Kelly Copper : La vie, la vie
Entre performance et comédie musicale, Life and Times – Episode 1 explore l’extraordinaire d’une vie ordinaire à travers un spectacle rythmé et ludique. Entretien avec la co-conceptrice Kelly Copper.
Après Rambo Solo en 2009, le Nature Theater of Oklahoma revient au FTA pour présenter le premier volet d’un ambitieux projet qui devrait se prolonger jusqu’en 2020. Créé à Vienne en 2009, Life and Times, Episode 1 est le premier de dix épisodes qui reposent sur un enregistrement téléphonique de 16 heures où Kristin Worrall – membre du collectif – raconte sa vie. "On a été interpellé par le potentiel créatif d’une simple question: "Can you tell me your life story?" [Pourrais-tu me raconter l’histoire de ta vie?] L’énormité de la réponse à notre question exigeait une réplique correspondante", explique Kelly Copper, qui codirige la compagnie avec son compagnon Pavol Liṧka. Qualifié de "off-off-Broadway", leur théâtre fait éclater ses formes, interroge les limites de la théâtralité et la perception de la réalité.
Le récit, interprété par six performeurs, est d’ailleurs ponctué des hésitations et digressions de l’interlocutrice. "Nous nous intéressons au langage qui ne trouve habituellement pas sa place au théâtre. Les mots sont projetés en sous-titres, alors il y a une représentation visuelle de ce qui, d’ordinaire, n’est pas retranscrit ou visible, souligne la metteure en scène. C’est intéressant comme la pensée est fragmentée. Nous ne parlons jamais en phrases complètes. Ces trous dans le langage sont fascinants. Ils génèrent leur propre sens."
Pour théâtraliser un matériau non théâtral, les deux concepteurs ont ainsi plongé dans une forme jusqu’alors inexplorée pour eux: la comédie musicale réglée au millimètre près. "Quand on a commencé, les membres de la distribution avaient pour la plupart peu d’habiletés musicales. Ils ont dû apprendre. Et l’acteur Robert Johanson — qui a écrit les chansons à partir d’un ukulélé — n’avait jamais écrit d’opéra ou de musical auparavant. La contrainte formelle nous a poussés à élever un matériau "de tous les jours" et à le sortir de son contexte habituel."
La scénographie et les accessoires s’inspirent quant à eux de l’art constructiviste russe, plus particulièrement de Kasimir Malevitch qui a créé le Carré rouge dans les années 20. "Pavol a aussi été grandement influencé par les mass spectacles auxquels il participait enfant en Tchécoslovaquie. Les balles, les rondelles et carrés de papier étaient employés dans plusieurs spectacles communistes des années 70", énonce Kelly Copper, qui travaille déjà avec sa troupe sur les épisodes suivants, qui exigent d’autres traitements particuliers (danse, film, installation…).