Philippe Ducros / L'affiche : En terrain miné
Scène

Philippe Ducros / L’affiche : En terrain miné

Philippe Ducros nous présente L’affiche, autour d’un conflit aussi médiatisé que méconnu. Aucun parti pris de sa part, sinon celui de l’humain.

"La pièce tourne autour des affiches de martyrs dans les territoires occupés en Palestine, explique Philippe Ducros, qui signe le texte et la mise en scène. Quand quelqu’un meurt à cause de l’occupation, des factions s’approprient sa photo et en font une affiche dont ils recouvrent les murs. Avec, à certaines périodes, presque un mort par jour…"

Concrètement, la pièce raconte l’histoire d’un imprimeur qui se retrouve un jour à imprimer l’affiche de son propre fils. "En découle une confrontation à l’interne de la famille du martyr, Salem. Mais on voit aussi le pendant israélien, tout l’impact de cette mort du côté du soldat qui s’est retrouvé dans une embuscade et qui, par panique, a tiré."

Le sujet est délicat, admet le jeune dramaturge, et compliqué: "Dès qu’on se met à en parler, les sensibilités s’échauffent, ça génère des passions incontrôlables." Il ne croit pas qu’il faille pour autant suspendre son jugement. "Ce qui a mené à l’occupation et ce qui peut nous en sortir est très complexe, c’est vrai. Mais il y a quelque chose de simple dans la situation actuelle: un pays en occupe un autre. Et quand on a vu l’impact de cette occupation, quelque chose devient extrêmement évident: il faut que l’occupation arrête. Mon objectif n’est pas d’être pro-Palestiniens ou pro-Israéliens. Ces distinctions ne sont pas du tout réalistes et jouent quelque part le jeu de l’oppression. Ce que je veux, c’est que la justice arrive. Et pour ça, j’ai le goût que la communication ait lieu."

Avec une telle prémisse, Ducros souhaitait aborder la "martyrisation", processus dans lequel le drame intime se voit dérobé par la sphère publique. "La mort d’un enfant se retrouve à être un outil de propagande pour les islamistes qui récupèrent le désespoir. Mon objectif, c’était de mettre un visage sur les statistiques, et une humanité derrière les traités, les dates et le décompte des morts."

Celui qui a promené son regard – d’auteur et de photographe – en Syrie, au Liban et en Palestine fait le pari que le théâtre saura pallier quelques incapacités des infos de 22h. "C’est mon travail d’artiste de montrer autre chose que ce que montrent les documentaristes. Et je pense que L’affiche permet ça, permet de sortir d’une intellectualisation pour entrer dans le vécu et dans ce qui touche."

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