FTA : Les dernières danses
Scène

FTA : Les dernières danses

La programmation danse du Festival TransAmériques se termine dans la semaine du 4 juin avec trois nouveautés de puissants créateurs québécois et une incursion en terres chorégraphiques  marocaines.

Comme bien des chorégraphes du continent africain, le Marocain Taoufiq Izeddiou développe la danse contemporaine dans son pays avec le soutien de la France où il a commencé sa carrière professionnelle. Comme dans la plupart de ses oeuvres, il est le créateur des éclairages (audacieux) et de la bande-son (excellente) d’Aaléef. "La transe du début de la pièce fait référence à la révolution arabe; on y entend des avions, des bombes, des gens qui dansent, qui gueulent, qui jouent… Dans un deuxième temps, le travail avec le musicien traduit mon désir de concilier tradition et modernité, car je suis marocain, noir, berbère, africain, un peu méditerranéen et j’ai toujours un pied en France. Cela soulève beaucoup de questions sur mon rapport au monde, à l’éducation et sur les relations Nord-Sud."

Dans la foulée des transgressions opérées par (M)IMOSA au début du festival, ce presque solo, tout en physicalité et en déchaînements, fait fi du conformisme chorégraphique et nous invite à revoir nos préjugés sur l’Autre et sur l’Ailleurs. Ces deux oeuvres contrastent du tout au tout avec l’implacable toile de Mygale que tisse Nicolas Cantin avec une sorte de non-danse toujours sur le point d’exploser. Plutôt que la nudité et l’exacerbation, le jeune créateur en pleine ascension choisit les tensions provoquées par le silence, la lenteur et la violence qui distille dans les gestes aux allures parfois tendres du quotidien, pour voir jusqu’où on peut aller dans l’expression de l’intimité. "Ashlea [Watkin] est très pudique; quand elle ôte le haut, c’est déjà presque trop. Sa pudeur est tellement belle qu’on a accès à elle différemment."

De Mélanie Demers, on s’attend à ce qu’elle brosse, du trait rageur et passionné qui la caractérise, le portrait mi-figue mi-raisin de la société humaine. Dans Goodbye, elle se penche sur les pulsions de vie, de destruction et d’autodestruction, s’inscrivant dans le droit fil de Junkyard/Paradis, dont on retrouve certains des interprètes. "Je creuse en effet un sillon et le piège à éviter est de me répéter, mais les obsessions sont tellement fortes qu’elles reviennent. J’essaye toujours d’embrasser l’humanité dans toute sa grandeur et sa complexité, dans ses côtés obscurs et lumineux, dans sa laideur et sa beauté."

Habitué du FTA, Daniel Léveillé clôt la programmation danse avec Solitudes solo, première oeuvre d’un nouveau cycle où le chorégraphe peaufine le radicalisme de sa signature tout en y introduisant une forme de douceur. Isolant ses cinq danseurs (quatre hommes et une femme) dans une enfilade de solos sur de la musique de Bach, il se met au défi de les rhabiller après sa trilogie de danseurs nus. "Je préfère avoir huit chorégraphies à créer plutôt que de choisir des costumes, car je veux juste voir des corps sans dimension sociale. J’ai opté pour des costumes très simples avec des t-shirts aux teintes presque imperceptiblement différentes pour chaque interprète, qui sont comme une seconde peau."

Une oeuvre marocaine qui peut bien résonner avec les défis identitaires et politiques du Québec actuel et trois créations qui témoignent de la diversité et de la puissance de notre paysage chorégraphique. Quelle belle façon de boucler ce festival qui a démarré, le soir de la première, au son des casseroles de la contestation.