Patrice Robitaille : Combat de coqs
Patrice Robitaille entre dans la peau d’un futur papa baveux et provocateur dans Le prénom, une comédie créée à Paris puis adaptée au cinéma, présentée en version québécoise.
Autour d’une bête histoire de prénom, dont le choix revendiqué par le père en l’absence de sa compagne provoque un véritable tollé lors d’un souper arrosé entre amis, la pièce écrite par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière ressemble à un petit carnage en famille, les dents et le verbe bien aiguisés. D’une banale polémique engagée par Vincent, incarné par Robitaille, les politesses s’envolent et le fiel se déverse. "Mon personnage est un gars un peu arrogant qui aime l’agitation, aller sur des terrains hasardeux et entreprendre des discussions délicates. Il a beaucoup de succès dans la vie et ça dérange. Lors d’une soirée chez sa soeur, il va créer le malaise, attiser le feu", explique l’acteur qui se reconnaît un peu chez ce trublion. "J’aime parfois prendre des positions que je n’endosse pas totalement pour que ce soit plus distrayant. C’est un personnage insupportable, mais qui a les moyens d’être baveux."
En face de lui, Christian Bégin incarne le gars de gauche, professeur de littérature à l’université qui se la joue un peu, alors que Gabriel Sabourin fait un personnage ambigu, joueur de trombone à l’Orchestre symphonique de Longueuil. Catherine-Anne Toupin et Isabelle Vincent complètent la distribution. Munis de solides argumentaires, les protagonistes entament une joute oratoire de haut niveau qui peut rappeler Le dîner de cons, "sauf qu’ici, on se passe le bonnet d’âne et tout le monde va y goûter", précise le comédien. "La pièce traite de l’insécurité qu’on a face à nos choix de vie, qui fait qu’on se plaît à critiquer le mode de vie des autres. On a besoin de rabaisser l’autre pour s’élever, soi."
Nullement intimidé d’endosser le rôle porté par Patrick Bruel, Robitaille possède peut-être un potentiel un peu plus méchant (vers lequel le metteur en scène Serge Denoncourt l’encourage à aller) qui peut ajouter du mordant à cette comédie à l’humour caustique, adaptée par Maryse Warda. "Le rire est un peu décalé et cynique", explique Robitaille, qui valorise la comédie, souvent snobée par le milieu théâtral. "C’est difficile de faire rire et d’être bon là-dedans. Les grands comiques n’ont souvent pas eu la chance d’avoir un rôle révélateur. J’ai eu le bonheur d’être au Conservatoire sous le règne de Normand Chouinard, pour qui la comédie n’est pas un sous-genre, mais un réel défi. C’est ce qu’on essaie de faire intelligemment cet été." N’ayant vu ni la pièce ni le film, l’acteur dit aborder l’oeuvre comme une création et s’inspirer de certains dérapages lors de ses propres soirées réchauffées pour reconstituer ce repas carnassier où personne ne domine le combat mais où tous sont prêts à tout pour sauver leur peau.