Adam Faucher : Suffoquer d'amour
Scène

Adam Faucher : Suffoquer d’amour

Le metteur en scène Adam Faucher cherche à démystifier le geste fatal d’un être de désir avec Ceux qui l’ont connu. Théâtre du corps pour âme trépassée.

Comprendre le suicide. La tâche est lourde, souvent insurmontable pour les proches. Chargé de cette délicate mission, Faucher a voyagé durant un an au pays miné des disparus avec ses acteurs et concepteurs, étayant de leurs réflexions la pièce écrite par Suzie Bastien, auteure, entre autres, du Désir de Gobi, créé au Quat’Sous en 2000 et de L’effet Médée, créé à Québec en 2005. "Je suis tombé en amour avec la langue poétique et la construction très originale de la pièce, explique le metteur en scène. Ce sont de longs monologues. Celui du suicidé, puis de cinq personnes qui l’ont connu: sa mère, sa soeur, son éditeur, une amie-amante et la voisine, qui reviennent tour à tour dans l’appartement où l’homme s’était enfermé durant un an avant de se suicider, pour essayer de reconstruire sa mémoire."

Partition fragmentée, pleine d’ellipses et bâtie en crescendo sur des retours en arrière qui font revivre les scènes du passé jusqu’à celle du suicide, la pièce tout en contrastes joue sur les changements de perspective entre le mort et les vivants. "Les proches du suicidé sont obsédés par cet homme qui les fascinait et se sont sentis rejetés. Je me suis demandé comment on survivait au rejet, quelles étaient ses répercussions dans le corps et comment on pouvait s’oublier à travers l’autre, mais on voit aussi comment leur amour démesuré l’a étouffé. La voisine va rendre justice au disparu en essayant de leur expliquer ce qui a causé son suicide. Elle renverse la situation et leur renvoie la culpabilité."

Fidèle à la ligne directrice de sa compagnie Leitmotiv qui mise sur un théâtre du corps, Faucher a choisi six interprètes issus de disciplines diverses (danse, gymnastique, combat, trampoline, théâtre corporel, arts martiaux), poursuivant une exploration gestuelle déjà amorcée dans son adaptation de la pièce Des yeux de verre de Michel Marc Bouchard l’an dernier. "Mon travail de mouvement est plus élaboré cette fois, surtout que ça s’est fait collectivement. J’ai laissé les acteurs apporter leurs idées et tirer avantage de leur physionomie. Il y a aussi un pianiste sur scène qui joue un voisin qui va chercher la présence des autres, montrant que le personnage n’était jamais seul, même dans son enfermement." Les comédiens, tous de la relève, ont donc chacun mis du leur dans cette lecture de l’intérieur d’un drame qui reste souvent tabou. Cinq corps se disputent la mémoire d’un disparu avec, au final, un acte vécu comme une libération, non sans dommages, mais sorti en partie de l’obscurité. 1$ pour chaque billet vendu sera remis à la Fondation Dédé Fortin, qui contribue à la prévention du suicide.