Rémi-Pierre Paquin : Dehors, les artistes!
Le fondateur du Festival de théâtre de rue de Lachine, Rémi-Pierre Paquin, rassemble un joyeux régiment d’artistes de tout acabit sur les bords du lac Saint-Louis.
Rares sont les chances de croiser dans un même périmètre un cours de danse sociale offert par des danseurs professionnels, des cabines pour voyeurs dans une église, des marionnettes en sacs-poubelles et des fermières enfarinées qui vilipendent les stéréotypes marchands. Tout cela, pourtant, fait partie de l’éclectique programmation du FTRL qui offre une 5e édition sous le thème des "épopées publiques", mêlant les artistes dans une grande fête populaire. "Autant le spectateur peut choisir d’aller voir une compagnie en particulier, autant il peut se laisser surprendre par un spectacle, explique Paquin. Avec le théâtre de rue, tu te laisses prendre par les spectacles. C’est tout naturel."
Paquin a découvert il y a plusieurs années le théâtre de rue, répandu en Amérique du Sud et en Europe. Rien pourtant n’existait dans le genre ici. Avec ses acolytes Philippe Gauthier et Yves Dolbec, il a fondé le premier festival du genre au Canada, à Shawinigan en 1997. "On est allés en Europe et on a rencontré des compagnies qui faisaient des shows depuis 25 ans. On s’est mis à demander à des gens de théâtre de monter des shows ici. On faisait de la création par dépit", poursuit le comédien qui prit plaisir à ce modèle sans précédent. "Au début, c’était des one-shot deals. Les shows étaient créés à Shawinigan et mouraient après. Aujourd’hui, on arrive à trouver des shows qui ont roulé dans d’autres festivals." Le Québec s’est initié au genre et après 10 ans en Mauricie, le festival déménageait dans les rues de Lachine.
Dans cet esprit de créativité, les organisateurs ne se contentent pas de programmer des spectacles, mais invitent les artistes à s’intégrer aux lieux du festival. Le FTRL propose cette année un déambulatoire dans un sous-sol d’église avec Kabiin de la compagnie Zone artistique libre, qui pousse l’expérience voyeuriste du spectateur en l’invitant à entrer dans l’intimité de quatre acteurs dans un sous-sol d’église. La 2e porte à gauche, qui avait offert Danse à 10 l’automne dernier, squatte la piste de danse sur le bord de l’eau pour un spectacle interactif. L’humoriste Olivier Martineau promène le plus petit cabaret du monde, la troupe de théâtre Les Néos adapte sa pièce Scrap (présentée récemment à l’Espace libre) en installation poétique, alors que Les Fermières obsédées transgressent tous les tabous avec leurs Bonbons subversifs.
Le FTRL aime provoquer des rencontres artistiques improbables. On a droit aux purs délires du Pipoka Cirkus Mirakulus et de ses Imachinations, où Madame Pipoka performe des miracles, au retour de l’opéra rock Clotaire Rapaille, mais aussi à la présence du duo d’humoristes Sexe Illégal et à des groupes de musique comme Plaster, Jimmy Hunt et Les Revenants. Tous les genres se côtoient sous le regard d’un auditoire tout aussi métissé. "On propose des trucs déstabilisants, des arts visuels et de la performance qui sont normalement confinés à des lieux moins accessibles au grand public. Les tripeux d’art côtoient M. et Mme Tout-le-Monde. Ce n’est vraiment pas homogène", poursuit Paquin, pour qui le spectacle se trouve autant sur scène que dans le public qui reçoit parfois de véritables chocs. À part Les goélands géants du Surreal McCoy d’Écosse, le FTRL n’a pas cette année d’autres troupes étrangères, mais le Québec possède désormais un bassin d’artistes ouverts au théâtre de rue assez grand pour nourrir un festival.