Jici Lauzon : Plus d'une corde à son arc
Scène

Jici Lauzon : Plus d’une corde à son arc

Loin des projecteurs de l’industrie du rire qui l’ont jadis chauffé, le touche-à-tout Jici Lauzon redevient humoriste avec Cordes sensibles.

La surspécialisation et l’hégémonie des étiquettes menant leur sale besogne, les temps sont durs pour les authentiques touche-à-tout. Et pourtant, Jici Lauzon ne pourrait se porter mieux. Un soir, en faisant la vaisselle, tiens, vous syntoniserez la radio d’État et l’entendrez deviser sur sa lecture d’un classique de la littérature française. Quelques jours plus tard, c’est à la table d’une autre émission que vous l’entendrez s’acquitter avec enthousiasme de ses devoirs de porte-parole du Mois de l’archéologie (vous apprendrez par le fait même qu’il existe une telle chose que le Mois de l’archéologie). Il y a quelques années de ça encore, sa voix de stentor, ou plutôt celle de ce vieux chenapan de syndicaliste buté nommé Lacaille, faisait trembler le solage de la polyvalente Sainte-Jeanne-d’Arc dans le téléroman Virginie.

Cet été, Lauzon reprend le collier de l’humour, un milieu qui l’a porté aux nues au début des années 90, mais sans la tonitruance de l’époque, dans l’intimité du Théâtre La Marjolaine. "La télévision, c’est merveilleux parce que tu vis bien et parce que ça te fait connaître, surtout quand tu as un rôle en or comme celui que j’avais dans Virginie, reconnaît-il. Mais c’était intense et ça m’a éloigné de la scène. J’avais très envie de parler aux gens, de ressortir le banjo, l’accordéon et la guitare. Je me plais aujourd’hui à dire que je suis un chansonnier-humoriste-et cetera."

Entre ses réflexions sur la paternité à 50 ans, l’obsession pour la technologie, le pullulement des thérapies et le mouvement peace and love (il avoue chérir ce hippie qui sommeille toujours en lui), Lauzon consacre une partie de son nouveau solo, Cordes sensibles, à réhabiliter un répertoire gaillard mis au ban par la bien-pensance de l’Église. "Il y a un large pan du folklore québécois que La bonne chanson de l’abbé Gadbois a presque relégué aux oubliettes. Et crois-moi, il n’y a rien dans ce répertoire très policé pour rire ou pour boire. Je suis un amoureux de tout ce qui est divertissement d’avant l’électricité, de l’époque où les gens chantaient ensemble. Ce n’est pas la chanson qu’on achète sur disque ou celle pour laquelle on vote à Star Académie qui est importante, c’est celle qu’on reprend en choeur tous ensemble. Alors, je fais chanter les spectateurs."

Le curieux de nature trace ainsi son propre chemin de traverse, loin des feux des projecteurs qui l’ont jadis chauffé, mais avec une foi en l’importance du rire ragaillardie par l’âge et les lectures. "Je n’ai pas trop suivi le milieu de l’humour, avoue-t-il. Disons que c’est devenu une industrie… De mon côté, je reviens souvent aux travaux de l’historien de la littérature Mikhaïl Bakhtine sur Rabelais. Il montre bien pourquoi une certaine forme de vulgarité, donc d’humour, est nécessaire et saine en société, sinon les gens trop sérieux et les fascistes nous assaillent. On le voit dans le monde de l’islam par exemple. Ça ne rit pas beaucoup, disons."