Escales improbables : Le rêveur des villes
Depuis neuf ans, les artistes prennent le Vieux-Port en otage et invitent les citadins à poétiser leur ville le temps de quelques Escales improbables. Sylvie Teste nous parle de la programmation de ce festival déambulatoire.
L’idée du festival consacré aux arts vivants était d’offrir aux artistes l’espace urbain comme terrain de jeu. Plutôt que de se rendre au musée ou au théâtre, dans un cadre défini et à une heure fixe, les festivaliers suivent un parcours au hasard de leurs envies durant ces quelques jours où l’art se dégage de son carcan. "On propose aux gens de sortir de la "normalité" du quotidien pendant quelques heures et de se laisser guider de façon aléatoire, explique la programmatrice Sylvie Teste. On laisse jouer le hasard en faisant le pari de mettre notre regard poétique et rêveur en action."
Multidisciplinaire, le festival croise les arts visuels, la musique, le théâtre et la danse, mais aussi l’architecture, avec ce trait commun de valoriser un oeil poétique sur la ville et une certaine dose de dérision. Il y a, par exemple, la proposition "un peu dadaïste" de Jérôme Minière avec L’épicerie musicale, qui invite les gens à acheter une chanson avec un fruit ou un légume et de mettre en lien la culture et l’agriculture. On trouve aussi cette année de nombreuses constructions qui habitent et transforment le décor urbain. Phil Allard et Justin Duchesneau créent Forêt, un havre de paix bâti au milieu des édifices de béton. "C’est une première montréalaise que Philippe a créée à Ottawa l’an dernier avec l’architecte Justin Duchesneau. Ils ont construit une tour de 20 pieds de haut avec 750 palettes. C’est comme un grand jeu de Lego dans lequel les gens peuvent entrer par quatre ouvertures placées aux quatre points cardinaux. C’est un lieu de méditation qui nous ramène à l’état dans lequel on est au milieu d’une forêt." Le Catalan Jordi Galí crée pour sa part une installation marquée par sa formation de danseur avec Ciels. "Il ne danse pas, mais bouge de manière très fluide et construit une installation de 12 mètres de haut avec uniquement des morceaux de bois et de la corde."
Plusieurs danseurs prennent aussi d’assaut les rues de Montréal avec des oeuvres à caractère poétique et social qui s’interrogent sur notre condition "d’hommes des villes". "Après la condition d’homme des cavernes, nous sommes majoritairement dans l’ère de l’homme des villes aujourd’hui, poursuit Teste. Plusieurs artistes des Escales s’interrogent sur notre urbanité et sur notre rapport au vivant et à la matière." La jeune chorégraphe Milan Gervais propose Intersection, une oeuvre chorégraphique inspirée du mouvement de notre marche actuelle. "Elle s’est intéressée aux pratiques populaires urbaines qu’elle a croisées ensemble, avec la collaboration de l’artiste de street art Roadsworth et du slameur Mathieu Lippé. Le chorégraphe Emmanuel Jouthe, en résidence au festival depuis l’an dernier, présente un cycle intitulé Proximités variables sur le lien entre l’oeuvre chorégraphique, le spectateur et le danseur. Quant à Ex Nihilo, "une des premières compagnies chorégraphiques qui ont écrit de la danse contemporaine pour l’espace public, de Marseille, ses Trajets de ville réunissent 11 danseurs qui reproduisent un mouvement de foule et renvoient à la vie en communauté".
Finalement, les Escales improbables complètent cette année leur programmation avec un moment de théâtre tout à fait inusité. Le metteur en scène Jean Lambert-wild présente une méditation poético-philosophique avec 20 000 abeilles sur scène, écrite et récitée par Michel Onfray. La sagesse des abeilles est une leçon de vie entomologiste donnée par un essaim menacé de disparaître, une méditation sur le deuil, qui tentera de réconcilier l’homme des villes avec le cosmos par la poésie, le rêve et la magie. Vaste et noble projet.
Du 2 au 14 septembre
En divers lieux