Carte blanche à Marc Béland : Ce qu’il reste de nous
Investi d’une carte blanche par le festival Quartiers Danses dont il est le porte-parole, le comédien Marc Béland renoue avec la danse et invite trois hommes de sa génération à des variations sur la maturité du corps et de l’âme.
Si le festival Quartiers Danses offre depuis ses débuts une belle vitrine aux tout jeunes chorégraphes et qu’il propose parfois d’intéressants points de vue sur la création outre-Atlantique (cette 10e édition présente trois compagnies allemandes et une espagnole), il fait aussi souvent place à des corps vieillissants. Avec quatre solos interprétés par des hommes dans la cinquantaine, la Carte blanche à Marc Bélandpose un regard sur le parcours de chacun des artistes ou sur leurs questionnements.
« J’ai eu envie de rassembler ces danseurs pour réfléchir à ce qu’ils sont devenus, voir ce qu’il reste dans leur corps et mettre de l’avant leur humanité », raconte l’acteur que les hasards de la vie ont fait danser pour Édouard Lock de 1984 à 1989. C’est ainsi qu’il a rencontré Claude Godin, qu’on a vu en duo avec Clara Furey dans l’une des premières éditions du festival et qui revient avec un essai intitulé Du caractère inépuisable du murmure-2.
« Je voulais aussi sortir des carcans habituels de la performance pour aller dans l’intimité de façon ludique et spontanée, sans prétention, poursuit Béland. J’ai de plus en plus envie de m’exprimer personnellement, de parler au « je » sans chercher la prouesse. » Son solo à lui, Comm’homme, se développe sur une entrevue radiophonique avec Louis-Gilles Francoeur rapportant un bilan inquiétant de l’état de la planète. « J’ai travaillé l’entrevue en intégrant des silences, des répétitions et me suis laissé réagir, explique-t-il. C’est aussi le citoyen qui s’exprime, se demande ce qu’il fait à danser alors qu’il se passe des choses graves, se demande si on en est assez conscient et ce qu’on fait pour que ça change. »
Dans Falling, Jeff Hall se concentre quant à lui sur le grave accident qui le priva de l’usage de ses jambes et sur le combat pour sa réhabilitation. « Les médecins prédisaient qu’il ne remarcherait pas et il ne sent rien de la taille aux pieds, commente Béland. C’est un exemple de courage et de ténacité. Son solo est très beau. »
Ex-danseur des Grands Ballets Canadiens de Montréal, aussi comédien et professeur, Benjamin Hacher complète le quatuor en s’interrogeant sur la perfection et la valeur du danseur dans Cry, the Clock Sold. Supervisés par la répétitrice France Roy, les quatre hommes ont relié leurs solos par des transitions qui font la part belle à l’improvisation. « La mise en forme de ces parcours personnels a quelque chose de réconfortant, de thérapeutique. Le travail dans l’instant rend le corps très vulnérable, mais l’idée est de laisser parler la pulsion sans tricher, sans juger, de faire confiance, insiste Béland. Il y a en nous quelque chose de plus urgent que de passer des heures à travailler un mouvement. »
Convaincu que la meilleure façon d’apprécier la danse est de cesser de vouloir la comprendre pour chercher plutôt à la sentir, le porte-parole du festival se promet d’aller voir Lina Cruz, Marie Brassard et le Franco-Allemand Fabien Prioville dont le spectacle est précédé d’une installation interactive intrigante de la Vancouvéroise Ziyian Kwan. Les soirées partagées, les films et les nombreuses interventions gratuites en extérieur sauront aussi satisfaire des publics variés.