Grain(s) : L'ébullition de la vie
Scène

Grain(s) : L’ébullition de la vie

La pièce documentaire d’Annabel Soutar Grain(s) fait voir et vivre la complexité des questions concernant la génétique à travers le combat d’un modeste fermier contre la compagnie  Monsanto.

Avec sa compagnie de théâtre documentaire Porte Parole, Annabel Soutar tente de poser un regard différent sur la réalité, comptant sur le pouvoir de la dramaturgie pour humaniser des problématiques parfois plaquées, prisonnières de guerres idéologiques. Fruit d’un long travail d’enquête mené depuis 10 ans auprès d’agriculteurs, d’avocats, de scientifiques et de représentants de Monsanto, Grain(s)raconte le combat du fermier de la Saskatchewan Percy Schmeiser contre la multinationale Monsanto qui l’accusa d’avoir cultivé illégalement des grains de canola génétiquement modifiés, alors que le cultivateur prétendait qu’ils avaient atterri par accident dans ses champs.

Présentée pour la première fois dans sa traduction française signée Fanny Britt, dans une mise en scène de Chris Abraham, la pièce met en scène une quarantaine de personnages incarnés par une distribution de sept acteurs (moitié francophone, moitié anglophone), et se base sur le verbatim du procès et la retranscription des entrevues que l’auteure a effectuées avec les protagonistes de l’affaire. L’alter ego de l’auteure sert de guide au spectateur, résumant les faits, partageant ses doutes et sa difficulté à trancher sur ces questions épineuses qui concernent la génétique, le progrès et la biotechnologie. Ce personnage, fort bien défendu par Christine Beaulieu, permet de vulgariser ces sujets pointus et de ne pas se noyer dans le jargon juridique et scientifique, mais il s’avère aussi un peu statique. Le choix de cette position narrative ajoute une touche d’humanité à la pièce qui aborde des sujets parfois arides, mais les interventions de l’auteure alourdissent le propos à la longue.

Le meilleur de la pièce réside dans la dynamique instaurée par la galerie de personnages ludiques et colorés qui incarnent fort bien la faune de scientifiques, d’avocats et de fermiers, et par une scénographie vivante qui illustre le bouillonnement de la vie et l’activité fourmillante du laboratoire scientifique. Les comédiens anglophones ne maîtrisent toutefois pas tous le français, ce qui rend parfois ardue la livraison du texte. Si le rythme de la pièce, au départ haletant, s’essouffle un peu en seconde partie, que la quantité d’informations transmises étourdit et devient un peu didactique, Grain(s) réussit fort bien à rendre compte de la complexité des débats environnementaux à travers l’échange entre tous les points de vue possibles sur la question. On sort de la pièce avec beaucoup de questions, mais le doute n’est-il pas le premier pas d’une réflexion profonde sur les débats qui concernent la vie, la génétique et notre planète, et dont personne ne détient la vérité?