Amélie Bergeron / Jusqu’à la lie : La vie des autres
Pour son premier spectacle, qu’elle écrit et met en scène, Amélie Bergeron s’en remet aux silences. Ceux, révélateurs, qui disent plus encore au public que le texte, et d’autres, qui planent comme un lourd secret entre ses personnages.
Un homme entre dans un bar de quartier désert. Solitaire, un peu gauche dans son approche, il amorce la discussion avec la serveuse. Peu à peu, au fil de la conversation entre ces étrangers, s’égrènent les indices qui pointent vers un secret qui unit ces deux êtres.
"Lui, il a aimé une femme, mais jusqu’à l’obsession, et bien que la vie les ait séparés, il n’en est jamais revenu. Maintenant, il s’agit de voir jusqu’où il est prêt à aller et ceux qu’il est prêt à détruire pour arriver à ses fins, pour retrouver ce qu’il avait", expose Amélie Bergeron, qui s’intéresse aux frontières que l’on franchit parfois pour assouvir ses propres désirs, quitte à marcher sur la tête des autres, à empiéter sur leur territoire.
"Ce que j’aime dans les histoires, poursuit-elle, c’est quand le comportement humain se heurte aux conventions sociales. Quand ces deux choses-là se rencontrent, c’est là qu’il y a des frictions, que ça peut choquer, que ça suscite des polémiques, et des jugements énormes." Prenant en exemple certains faits divers et la politique qui viennent susciter l’émotion brute chez les témoins de l’actualité que nous sommes, elle dit s’intéresser à l’accumulation de détails minuscules et de nuances qui permettent de comprendre les motivations des acteurs de la nouvelle qui nous parvient. "Pas pour excuser, mais pour comprendre", précise l’auteure.
À peine diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec (en mai dernier), la voilà qui met en scène son propre texte, Jusqu’à la lie. Fascinée par le réalisme, par les drames humains qui se trament sous nos yeux sans qu’on n’en sache rien, l’auteure a imaginé ces deux personnages que tout sépare en surface, mais dont les destins sont pourtant étroitement noués. Et leur secret se livre dans ce même esprit de non-dits et de minuscules nuances qui fascinent Amélie Bergeron au quotidien. "Souvent, dit-elle de sa pièce, les silences sont aussi importants, sinon plus importants encore, que ce qui est dit." Histoire d’ajouter à ce penchant pour le sibyllin, le public, disposé de chaque côté de l’espace de jeu, n’aura parfois droit qu’à des informations parcellaires, puisque certaines réactions des personnages ne pourront être vues que d’un seul côté. "En laboratoire, dit Bergeron, je me suis mise à observer le public, et je me suis rendu compte que la réaction des gens dans la salle, c’est aussi une information, une partie du spectacle."
Jusqu’à la lie
Du 25 septembre au 13 octobre
À Premier Acte