Jean-Louis Trintignant : Rebelles au grand coeur
Scène

Jean-Louis Trintignant : Rebelles au grand coeur

Après Aragon, Apollinaire et Jules Renard, Jean-Louis Trintignant visite des poètes libertaires et rêve de révolution avec Prévert, Vian et Desnos.

L’acteur fait bien des heureux avec ses spectacles consacrés aux grands poètes qu’il livre dans l’intimité, racontant la poésie plus qu’il ne la récite. Il fait cette fois un pas vers la politique en se tournant vers des poètes contestataires de l’après-guerre, Prévert, Vian et Desnos, qui rejoignent ses propres convictions. "Ils sont tous les trois de la même famille, de la famille que j’aime, explique-t-il de sa voix chaleureuse. Ils sont contre l’autorité et la politique. Je me considère aussi comme un anarchiste. Je croyais que libertaires, ça voulait dire anarchistes pas violents, mais en fait ils l’étaient. Je ne suis pas violent, mais je trouve qu’ils ont peut-être raison de l’être. Pour tout changer, il faut casser des choses."

Libertaires, mais aussi proches de la rue et de l’humain, ces poètes ont quelque chose d’accessible et d’indémodable d’après Jean-Louis Trintignant. "Je pense que c’est le spectacle le plus politique et peut-être le plus populaire que j’ai fait. Ce sont des poèmes plus modernes; même si les textes que je dis ont plus de 50 ou 60 ans, ça marche très bien sur le public. Apollinaire et Aragon, c’était quand même plus travaillé, moins grand public. Je dis, par exemple, un poème de Prévert très moderne, Étranges étrangers, qui parle des sans-papiers et qui a été écrit vers 1955. Ce sont surtout des poèmes politiques, qui parlent de la guerre, la mort et l’injustice."

Néanmoins, la poésie de ces trois grands rebelles est empreinte de rire et de fantaisie. Tels de grands enfants déçus par la vie adulte et le gâchis de la société, Vian et Prévert sont des révoltés au grand coeur et aussi de grands amoureux. "Ce sont des gens qui regardent les autres, souvent les petites gens, avec tendresse et générosité. Il y a aussi une légèreté et de l’humour. J’aime qu’on parle de la mort mais pas d’une façon catastrophique ou tragique. Ça existe, il ne faut pas le nier, mais il ne faut pas non plus en pleurer."

Accompagné par le compositeur et musicien de jazz Daniel Mille à l’accordéon et Grégoire Korniluk au violoncelle, Trintignant aborde ce spectacle un peu comme un récital de chanson. "J’aurais aimé le chanter", avoue-t-il, aimant par-dessus tout la nudité de la scène et du théâtre, cédant toute la place au verbe. "J’aime ce dépouillement, peut-être parce que je suis vieux et que je n’ai plus d’ambition du tout! Je ne veux plus faire de cinéma. Je suis dans un film (Amour de Michael Haneke) qui a eu la Palme d’or à Cannes, mais je n’ai pas du tout envie d’en faire d’autres."

Ayant appris par coeur ces poèmes avant que sa vue ne s’abîme, Trintignant reste, malgré l’âge et les coups durs de la vie, plein d’espoir et de convictions pour l’avenir. Il croit que la poésie fait partie de ces petites choses qui, mises ensemble, peuvent faire évoluer les hommes. "Il y a eu une expérience communiste ratée, mais je pense que l’idée était bonne. C’est plus généreux que le capitalisme dans lequel on vit aujourd’hui en tout cas, mais je crois que l’homme n’est pas encore prêt pour ça."

Notons qu’un enregistrement magnifique de ce récital vient de paraître sous étiquette Universal.

Les 23, 24 et 25 septembre
Au Théâtre Outremont
Dans le cadre du FIL