Bienveillance : Être un bon gars
Scène

Bienveillance : Être un bon gars

Bienveillance aborde de délicates questions morales avec finesse et lucidité. Un texte fort et contrasté de Fanny Britt honoré par le jeu d’un Patrice Dubois éclatant.

La bonté est une valeur aux contours de plus en plus flous. Difficile de rester intègre dans une société qui incite à courir vers le profit; de résister à la tentation narcissique quand tout nous ramène vers nous. Gilles Jean (Patrice Dubois) vit ce rapport conflictuel avec lui-même, aggravé par la cause qu’il doit défendre. Dix-sept ans après avoir quitté Bienveillance, son village natal, l’avocat se retrouve en procès contre son meilleur ami d’enfance, Bruno (Dany Michaud), et sa blonde (Sylvie De Morais), dont le fils est plongé dans le coma à la suite d’une chute et d’une ambulance qui a tardé à venir. Cet ami est l’incarnation parfaite du « bon gars » aux yeux de Gilles, rongé par le remords d’avoir accepté une telle cause, hanté par sa mauvaise conscience, qui mesure l’autoroute qui s’étend entre la bonté et lui.

Entre la comédie de moeurs et la fable philosophique, la pièce coproduite par le Théâtre PàP et les Productions À tour de rôle se moque des ruraux comme des urbains dans des scènes absurdes d’incommunicabilité entre les amis que tout divise, entre le fils parvenu et la mère ancienne syndicaliste (décapante Louise Laprade), et l’apparition du spectre du père en tripeux de poterie et de poésie (flyé Christian E. Roy). Quelques traits un peu caricaturaux sont vite effacés par les monologues d’une touchante authenticité de Gilles Jean, qui livre en aparté ses confessions avec un mélange d’anxieuse impuissance et de lucide autodérision. Ces passages poétiques révèlent un lyrisme peu exploité par l’auteure qu’on connaissait surtout comme excellente dialoguiste. Patrice Dubois livre une sublime interprétation dans la peau de ce quarantenaire en pleine crise morale qui voudrait être meilleur mais aime trop l’argent, vomissant sa culpabilité, s’enfonçant dans le mépris de lui-même à mesure qu’il se compare à son ami qui traversera aussi son propre examen de conscience.

Malgré le noir du propos, la dominante reste lumineuse. Le rire et la fantaisie du texte sont honorés par la mise en scène de Claude Poissant qui marie le réalisme à un joyeux onirisme. La poignante musique de Philippe Brault (piano et voix) répond à merveille à la mélancolie des personnages de Britt, emportés dans une tragique descente aux enfers, mais refusant d’abdiquer. Déjà rodée (puisque présentée cet été à Carleton), Bienveillance brille de la complicité palpable de l’équipe de création qui a travaillé en communauté d’esprit. Le timide rapprochement entre ces êtres isolés dans leur douleur et ce Gilles Jean qui semble manquer de bienveillance surtout envers lui-même invite à une pertinente méditation.

Jusqu’au 27 octobre
À l’Espace Go

Courez la chance de gagner des billets en soumettant un commentaire dans notre section spéciale.