Michel Faubert / Festival Les jours sont contés en Estrie : Écouter pour voir
Le conte est un art de l’image, assure-t-on au festival Les jours sont contés en Estrie. Anecdotes et réflexions avec le porte-parole de cette 20e édition, Michel Faubert, et l’organisatrice, Petronella Van Dijk.
N’importe quel conteur vous le garantira: les vraies bonnes histoires fleurissent toujours en marge des récits officiels. Du festival Les jours sont contés en Estrie, le grand livre de la littérature orale au Québec vous dira sans doute qu’il a été fondé en 1993 au Carrefour de solidarité internationale de Sherbrooke par Petronella Van Dijk et que sa première programmation – trois spectacles en tout et partout – tenait sur un post-it. Michel Faubert, porte-parole de cette 20e édition dont la programmation – 53 spectacles – mobilise un cartable au complet, préférera plutôt vous raconter, en faisant retentir son inimitable timbre nasillard, que c’est dans la maison de Petronella et de son amoureux Christian-Marie Pons, important théoricien du conte, que le coeur de cet événement unique s’est réellement mis à battre. "Après les spectacles, tous les conteurs se réunissaient là. Ça donnait toujours des soirées pas ennuyantes du tout où on refaisait le monde. On apprenait à se connaître, on se mettait à conter, à faire de la musique, à chanter. Le festival a grossi, mais on finit toujours par revirer la maison de Petronella à l’envers."
De ses modestes ambitions initiales, Les jours sont contés a essaimé aux quatre coins des Cantons-de-l’Est, dans les bars, maisons de la culture, bibliothèques municipales, musées et salles de spectacle de Richmond, Frelighsburg, Coaticook, Gould, Valcourt, Sutton ou North Hatley. Une rareté chez les événements culturels estriens, dont l’horizon épouse souvent les frontières de la Wellington. "Il y a une belle conjugaison d’urbanité et de ruralité. Je me souviens d’avoir conté avec deux guitaristes électriques au Granada comme je me souviens très bien de la première fois où je suis arrivé au P’tit Bonheur de Saint-Camille. C’était un soir de tempête de neige, disons que j’avais pogné de quoi", confie Faubert, qui remettra les pieds dans cette salle grande comme un salon afin de présenter une des dernières représentations du Fantôme dans la télévision. Le Charbonnier de l’enfer étrennera aussi à Valcourt La mensongère, un nouveau spectacle, et pactisera avec les bonzes du conte que sont Jocelyn Bérubé et Mike Burns dans Trois hommes de parole.
VERS L’AUTRE
L’histoire du plus vieux festival de conte au Québec recoupe largement celle de la résurrection d’une forme d’art inscrite dans la fibre québécoise, mais que la télévision, fenêtre sur un divertissement irrésistiblement plus tapageur, avait, craignait-on, irrémédiablement remisée dans le coffre de cèdre du folklore poussiéreux. Il aura fallu que quelques hurluberlus aient l’idée, dès les années 80, de s’attabler avec les anciens afin de collecter légendes et complaintes, comme l’a fait Faubert auprès d’Ernest Fradette, un agriculteur de Saint-Raphaël-de-Bellechasse "qui contait Aladin ou la lampe merveilleuse sans jamais avoir lu ça dans un livre."
"Le conte, c’est prendre la parole dans un monde où on a l’impression d’être bavard et de beaucoup communiquer, mais où on dit souvent très peu, pense le porte-parole. On n’a pas toujours beaucoup de tolérance pour les gens qui parlent longtemps. Il faut toujours que ce soit bref. Le conte, c’est s’arrêter pour écouter. C’est un art qui permet d’aller vers l’autre d’une manière particulière. Quand ça se met à décoller, une soirée de contes, il n’y a personne qui a l’impression d’être dans une salle de spectacle."
Petronella résume bellement ce qui fait la spécificité (d’aucuns oseraient dire la supériorité) du conte: "L’an dernier, j’ai conté tout l’après-midi pour un groupe d’aveugles. À la fin, un des jeunes est venu me dire: "J’ai tout vu.""
Festival Les jours sont contés en Estrie
Du 11 au 21 octobre
Trois hommes de parole, le 11 octobre à 19h30 au Centre culturel de l’arrondissement Jacques-Cartier
La mensongère, le 13 octobre à 20h au Musée J. Armand Bombardier
Le fantôme dans la télévision, le 20 octobre à 20h au P’tit Bonheur de Saint-Camille
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DEUX CONTEURS À NE PAS MANQUER SELON MICHEL FAUBERT
YANNICK JAULIN
"C’est une immense pointure du conte en France qui a beaucoup travaillé avec Wajdi Mouawad. C’est une très grande chance de l’avoir ici parce qu’il va très peu dans les festivals. Il s’est bâti une galerie de personnages fantastiques tous campés dans le même petit village, Pougne-Hérisson."
Le 17 octobre à 20h au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke
JIHAD DARWICHE
"C’est un grand conteur libanais, un homme d’une humanité extraordinaire, qui a aussi couvert la guerre du Liban comme journaliste. Il va conter toute la nuit Les mille et une nuits. Il y a une musique dans sa parole qui est hypnotisante."
Le 19 octobre à 22h au Pavillon des arts et de la culture de Coaticook