La coopérative du cochon : La fête des morts
Scène

La coopérative du cochon : La fête des morts

La coopérative du cochon ouvre un grand coffre aux trésors de souvenirs de la Seconde Guerre à Rome et rend hommage à l’imagination en une folle bacchanale.

D’un monologue à teneur autobiographique, la metteure en scène Luce Pelletier a vu le potentiel pour une pièce à cinq acteurs. Il faut dire que le récit d’Ascanio Celestini était déjà peuplé de nombreux personnages, fidèle au genre du "théâtre-récit" qui se met au service de la mémoire collective d’un peuple et de ses multiples témoignages. L’auteur italien raconte la suite de rencontres que son père a faites à la libération de Rome, en juin 1944, alors qu’il partit à la recherche de volontaires pour acheter un cochon vivant aux Allemands. Chacun d’eux ajoutait une part à la somme, mais surtout son morceau d’histoire de la guerre, le tout formant une mosaïque colorée d’anecdotes tragiques, cocasses et fantaisistes.

Pour l’adaptation, Luce Pelletier a imaginé que les cinq enfants du père enterré se retrouvent au salon funéraire et se rappellent les histoires qu’il leur racontait. L’entrée en scène un peu figée fait craindre le ton didactique, la structure apparaissant artificielle, mais petit à petit, les personnages se déguisent, enfilant manteaux et chapeaux à portée de main, et font apparaître une faune pittoresque et clownesque des plus divertissantes. La force de la pièce réside dans ce pouvoir de transformation des acteurs qui, d’individus ordinaires plutôt timides, se dérouillent et s’autorisent de plus en plus de libertés jusqu’au délire total, rendant un bel hommage au jeu dans sa forme la plus pure.

La pièce offre de beaux rôles de composition pour les acteurs qui s’en donnent à coeur joie dans tous les registres, flirtant parfois avec la caricature, mais faisant montre d’une forte complicité. Luc Bourgeois est tordant en barbier fossoyeur malgré lui, puis dans un duo déchaîné de Polonaises avec Martin Héroux. Le prince des barbares d’Olivier Morin rivalise de drôlerie avec la Sainte Vierge de Louise Cardinal qui demande aux mouches de lui rendre son fils qu’elles ont dévoré! La mouche incarnée par France Parent livre un plaidoyer pour la patience halluciné. La manière qu’ont les multiples narrateurs de tordre la réalité et de la faire décoller est une machine puissante pour échapper à la désolation de la guerre, point focal de la pièce. Dans le train qui les mène vers la mort, entre deux bombardements et un ventre vide, les Romains s’inventent des jeux et des délires pour ne pas crever qui rappellent ceux de Roberto Benigni dans La vita è bella. On regrette quelques excès dans le jeu et la finale plaquée comme l’ouverture, mais cette grande fête des morts offre un bol d’air frais dans la grisaille, une belle leçon d’histoire.

Jusqu’au 3 novembre
Au Théâtre Prospero