Marc Beaupré / Dom Juan uncensored : Leçon de Dom Juan
Marc Beaupré revisite et secoue le chef-d’oeuvre de Molière avec Dom Juan uncensored, une relecture éclatée où le célèbre libertin rencontre Twitter.
Qui aime bien châtie bien. Marc Beaupré se fait un point d’honneur de critiquer les classiques en gage d’amour, leur rendant leurs lettres de noblesse en les faisant traverser l’histoire et parvenir jusqu’à nous dans une forme nouvelle. Après Caligula_remix, où il bousculait l’oeuvre de Camus dans une captivante relecture chorale, le metteur en scène sort le mythique séducteur de Molière de son cadre et lui fait franchir les siècles pour nous réconcilier avec le libertin du 17e siècle, loin de l’image du jouisseur débauché et égoïste qu’on lui a accolée. "L’image qu’on a aujourd’hui de Don Juan, c’est un homme qui fait ce qu’il veut quand il le veut, mais ce n’est pas tout à fait ça, explique Beaupré. Don Juan dit que la seule vérité à laquelle il puisse se rattacher, c’est son désir, refusant de se soumettre à un ordre moral basé sur une divinité à laquelle il ne croit pas. Il propose d’aller au bout de son désir, même s’il sait que ça cause des injustices. Il y a quelque chose de beau à vouloir donner un autre sens au monde quand on ne croit pas à une puissance supérieure. Je trouve ça très dramatique et théâtral."
Le Don Juan de Marc Beaupré va donc s’arracher d’emblée à Molière et à son image d’égocentrique pour voyager à travers les époques et retrouver les couleurs d’origine du mythe espagnol de Dom Juan (d’où l’orthographe différente), nourri à la liberté et à la transgression. Le héros, incarné par David Giguère, s’oppose donc à sa propre histoire et invite le public à critiquer en direct avec lui sur Twitter la pièce qu’il va jouer. "Comme avec Caligula, je joue avec la narration et la représentation réelle sur scène. Don Juan est accompagné d’une vraie sténographe judiciaire qui sténographie le show en direct sur Twitter, tandis que Don Juan annonce qu’il couche avec la femme de Molière et celle de Louis XIV, transgressant la fiction et l’histoire. On ne verra pas les costumes du 17e siècle, mais on va voir une action libertine autrement présentée. Don Juan sera ramené dans la fiction par des personnages qui veulent le confronter à l’injustice qu’il provoque et qui vont restituer l’action où ils veulent et quand ils veulent, adoptant les conventions que Don Juan utilise depuis le début."
Don Juan verra donc sa loi empruntée par ses pairs qui deviennent tous des transgresseurs. "Le drame de Don Juan n’est plus d’être tiré en enfer par une intervention divine, mais d’avoir été mal compris de ses contemporains et des siècles qui ont suivi." La pièce devient alors un combat entre des narrateurs qui s’affrontent, auquel le public est invité par Twitter. Par cette action du spectateur et des personnages fictifs qui déconstruisent leur histoire, la censure tombe. Sganarelle saute un siècle pour rejoindre les révolutionnaires en 1789; Don Juan mixe son histoire sur des platines, chante sa fin sur le Don Giovanni de Mozart et porte le masque de David Giguère pour se dédouaner de ses actions! Par un audacieux remue-ménage opéré sur la célèbre pièce de Molière, Marc Beaupré revient à l’essence même du libertinage. Spectateurs, sortez vos téléphones!
Du 23 octobre au 10 novembre
À La Chapelle