Hamlet est mort. Gravité zéro : La vie est une loterie
Avec l’adaptation de la tragédie contemporaine Hamlet est mort. Gravité zéro de l’Autrichien Ewald Palmetshofer, Gaétan Paré du Théâtre de la Pacotille place six comédiens en état d’apesanteur. Un spectacle déroutant à en donner le vertige.
Dieu est mort. Le ciel est une machine à numéros. Seuls les élus seront pris en compte. Voilà l’essentiel du message que transmet Mani (Sébastien Dodge) dans l’un des monologues les plus marquants de Hamlet est mort. Gravité zéro. En tout, comme pour le Hamlet de Shakespeare, il y aura sept soliloques. Au final, comme pour le prince de Danemark, il y aura du sang. Au premier acte, tout a déjà eu lieu.
À l’occasion d’une visite chez leurs parents (Normand Daoust et Monique Spaziani), Dani (Eve Landry) et son frère Mani croisent leurs amis d’enfance, Gaby (Sophie Cadieux) et Oli (Dany Boudreault), aux funérailles d’un ami commun, mort assassiné. Ensemble, les camarades formaient autrefois un solide quatuor à angles droits. Séparément, ils ressassent ce qui a fait basculer les axes de leur figure géométrique. Surtout, ils essaient de déterminer là où tout a commencé.
Comme chez Shakespeare, les personnages de Hamlet est mort s’engagent dans une quête de sens qui mène inéluctablement à la mort. Mais chez Ewald Palmetshofer, la structure est éclatée, trouée. Elle s’ancre dans une oralité crue et enragée.
La scène – avec son plateau noir laqué, ses chaises blanches et ses plantes positionnées stratégiquement – fait figure tantôt de cimetière, de salon mortuaire, de café ou de maison. C’est ce terrain que les six personnages piétinent inlassablement de leurs pieds, comme s’ils écrasaient les fleurs de leur passé où il y avait jadis de l’amour, du "tricoté serré". Ils le piétinent aussi de leurs paroles cycliques, en rabâchant les mêmes lubies.
Au centre de ce terrain vague trônent deux petites tribunes munies d’un micro où chacun livre son plaidoyer, raconte sa version des faits. Dans sa mise en scène, Gaétan Paré laisse alors judicieusement tout le plancher à ces âmes désorientées: alors que tout s’évanouit autour d’eux, les artisans du drame donnent de l’épaisseur à leur vide existentiel, à leurs idéaux déçus. Évoluant dans un schéma dramaturgique sans gravité, les acteurs livrent une performance saisissante où Sébastien Dodge, percutant, se démarque.
Sans donner toutes les clés, la mise en scène de Gaétan Paré réussit à nous captiver jusqu’à l’ultime coup de feu. Livré de manière froide et sinistre, le dernier tableau contribue à nous rendre l’horreur encore plus actuelle et grinçante, plus près de nous. Au final, du théâtre intelligent, à haut risque, qui arrive à la hauteur des attentes formulées à l’endroit d’un lieu de création comme les Écuries.
Jusqu’au 3 novembre
Au Théâtre Aux Écuries