Nicolas Cantin / Trois romances : Le vivarium de Nicolas Cantin
Scène

Nicolas Cantin / Trois romances : Le vivarium de Nicolas Cantin

Artiste hybride qui revendique sa bâtardise, Nicolas Cantin voit trois de ses oeuvres reprises à l’Usine C. Trois romances: un théâtre du corps fragile et radical, sans mots et sans chorégraphie.

Dans les pièces de Nicolas Cantin, les danseurs ne dansent pas et les acteurs ne jouent pas. La scène s’apparente à une salle d’attente devant laquelle le spectateur se fait voyeur d’une intimité qui n’a rien d’une provocante ou spectaculaire mise à nu. Tout se passe dans l’allongement du temps et l’absence de chorégraphie et de texte, une abolition des cadres et une porte ouverte sur ce qui se dit à l’intérieur des murs. Quand la performance s’arrête, le spectacle commence chez Cantin. "J’aime la théorie de la chambre à coucher, explique l’artiste, montrer ce qu’on ne montre pas ou ce sur quoi on ne s’attarde pas trop, comme les petits gestes. Je veux mettre des gens d’espèces différentes sur scène et voir s’ils vont se rencontrer, un peu comme dans un insectarium ou un vivarium."

Par son approche minimaliste, le créateur formé au théâtre, au clown, "chorégraphe" atypique et metteur en scène circassien (il a signé Patinoire des 7 doigts de la main), échappe aux genres. Le clown reste son plus proche allié. "C’est un bâtard solitaire qui cherche sa place dans le monde. Il y a une dimension comique mais un aspect tragique derrière. Je flirte avec la danse et le théâtre, mais ce qui m’intéresse, c’est ce qui est nécessaire sur scène pour que quelque chose soit entendu. Je désosse et j’amène ça à son essence. Je prends le risque du rien, même si pour moi, il y a beaucoup." Cantin aime mêler les cartes (à preuve cet autoportrait de panda qui le représente). Cherche-t-il, à travers le micromouvement et l’étirement du temps, l’agacement, voire l’exaspération du spectateur? "C’est un parti pris de ne pas être dans la séduction, argue-t-il. Le temps oblige le spectateur à aller détailler ce qui se passe chez un interprète, dans son visage, sa respiration. J’aime créer des environnements d’entre-deux. Dans l’attente, la personne est libérée de son image et se découvre plus, se protège moins. C’est ce que je cherche."

Totalement offerts à l’oeil du public, les interprètes (souvent eux-mêmes des créateurs et chorégraphes) transmettent des états plus qu’une histoire. Un duo surréaliste (Anne Thériault et Stéphane Gladyszewski) se rencontre et se déchire dans une bataille primitive sur une musique de Tino Rossi avec Grand singe (2009). Dans Belle manière (2011), "quelque chose est fini" entre Ashlea Watkin et Normand Marcy, alors que dans Mygale (2012), qui s’ouvre sur un gars (Julien Thibeault) qui joue avec son bord de culotte pendant de longues minutes, "on est après la fin, après la tornade". "J’aime casser le spectacle et le reconstruire après, et qu’il en manque des bouts. Ces pièces sont comme des collages d’impressions, une sorte de scrapbook scénique qui créerait quelque chose d’organique", ajoute Cantin, qui perçoit ses trois oeuvres mises ensemble comme "un glissement de terrain".

Voir ses pièces réunies et rejouées, avoir un regard sur trois ans de travail est une célébration, un fantasme réalisé pour Cantin grâce à l’Usine C, qui l’accueille dans ses murs pour une résidence de trois ans. Parce qu’il est malheureusement trop rare que des oeuvres vivantes soient remontées et rassemblées, on vous invite fortement à vivre l’expérience radicale de Nicolas Cantin.

Du 30 octobre au 11 novembre
À l’Usine C