Pierre Bernard : Voir et être vu
Scène

Pierre Bernard : Voir et être vu

Il a fallu que les personnages de la pièce Du bon monde de l’Américain David Lindsay-Abaire crient leur détresse pour que Pierre Bernard renoue avec la mise en scène au théâtre. Rencontre avec un metteur en scène trop rare, qui étreint ici Margaret et ses congénères.

"Quand je fais de la mise en scène, je deviens schizophrénique avec mes personnages. Je ne vis qu’avec eux. Je tente de leur faire savoir que je les vois, les entends et les reconnais", raconte Pierre Bernard, grand homme de théâtre, qui a occupé la fonction de directeur artistique du Quat’Sous de 1988 à 2000. Dans son riche parcours sur 30 ans, les mises en scène (Traces d’étoiles, L’enfant-problème) ont été plus rares. "Mon premier métier, c’est la direction artistique. C’est celui que j’aime le plus et dans lequel j’ai le sentiment de faire ma part. Pour que je mette en scène, il faut qu’en lisant le texte, ça devienne une nécessité." C’est ainsi que Pierre Bernard a rencontré Maggie.

Aux prises avec un enfant handicapé, Margaret (Josée Deschênes) se fait mettre à la porte du Dollar Store où elle travaille pour un salaire minable à Southie, quartier ouvrier de Boston. Afin de conjurer le sort après ce énième revers, elle tente de renouer avec Mike (Benoît Gouin), un amour de jeunesse qui s’en est sorti.

Les rêves sont-ils à la portée de tous, peu importent notre provenance, notre famille, notre milieu, nos moyens? En montrant l’effritement du rêve américain, David Lindsay-Abaire (Rabbit Hole) pose un regard sur la vie ordinaire des gens ordinaires. "C’est un drame à l’américaine, mais avec un regard en oblique. Le titre Good People fait référence à tous les personnages: Margaret, Mike, le gérant du magasin… Ils ont tous raison, ils ont tous tort. Ils sont juste du bon monde… avec un racisme ordinaire, un snobisme ordinaire, des jugements à la va-vite…"

Le type de personnages démunis dont s’entiche Pierre Bernard et qui ne sont pas sans rappeler ceux de Michel Tremblay, convient-il. "Je trouve que Lindsay-Abaire écrit pour les femmes aussi bien que Tremblay l’a fait ici au Québec. Margaret est une battante. Elle n’a pas les moyens de tourner la langue sept fois avant de parler. Des fois, ça sort de travers, ça blesse. C’est sa façon de garder sa dignité, de ne pas s’abîmer dans l’humiliation. C’est sa survie."

Le seul regret de Pierre Bernard: ne pas pouvoir s’adresser à elle. La Margaret de son histoire ne fréquente pas les salles de théâtre.

Jusqu’au 8 décembre
Au Théâtre Jean-Duceppe