La démesure d'une 32A : Clémence mélancolique
Scène

La démesure d’une 32A : Clémence mélancolique

Pascale Montpetit vit un prodigieux cycle de métamorphoses dans La démesure d’une 32A, consacrée à la diversité des écritures de Clémence DesRochers.

Brigitte Poupart relève le défi, avec ce cabaret-théâtre, de dévoiler la variété de genres et de registres de l’univers de Clémence DesRochers, qu’on réduit souvent à tort au monologue humoristique. Il y a plusieurs numéros comiques où Pascale Montpetit confirme la souplesse et l’étendue de son jeu, passant d’un registre clownesque (Fra-Gio-Gio-Fragetti) à des moments où l’irrévérence et le franc-parler de DesRochers trouvent une superbe ambassadrice (L’acheteuse, La femme en boisson). Or, l’actrice fait aussi entendre la dimension plus mélancolique et tragique de l’auteure, notamment dans la célèbre Vie de factrie, livrée avec une fragilité naturelle qui en fait un des beaux moments du spectacle, grâce aussi au choix de la metteure en scène qui a mis pour ce tableau sa propre folie au service de celle de l’auteure, sans rien ôter à la force de ses mots qui, bien souvent, sont eux-mêmes un théâtre de l’âme humaine que trop d’artifices vient encombrer.

Il y a chez Montpetit ce même alliage de candeur enfantine et d’impudeur qui insuffle au répertoire de Clémence une merveilleuse seconde vie; or, l’esthétique du collage de textes donne une impression de fragmentation qui finit par lasser, d’autant plus que la metteure en scène a choisi de lier chacun des tableaux par des lettres que Clémence écrivait à un ancien amant. Cette correspondance vient casser le rythme de sa froide robe de tristesse. On s’interroge surtout sur le choix d’un français normatif pour ces textes qui nous font accéder à l’intimité de l’auteure qu’on aurait aimé entendre dans son accent. Alors que les autres morceaux font vivre la langue texturée de Clémence, ces liaisons détonnent. Malgré l’éclectisme de la mise en scène qui manque de liant, certains tableaux sont de purs ravissements, comme celui du poème Maman chanté par Ariane Moffatt, qui a composé la superbe musique du spectacle, où le petit corps de Montpetit s’enrobe de cette mélancolie qui étreint le coeur et les tripes.

Jusqu’au 8 décembre
À l’Espace Go