Catherine Lalonde / Nulle part Nulle nullipare : De l’esthétique de la grossesse
Que reste-t-il d’une danseuse une fois qu’elle devient mère? C’est pour conjurer les peurs liées à cette question que Catherine Lalonde a voulu investir la scène, enceinte de sept mois, avec Nulle part Nulle nullipare.
Connue pour ses poèmes et performances de spoken word, Catherine Lalonde est répétitrice ou conseillère artistique pour certains chorégraphes et elle s’illustre brillamment comme journaliste et critique de danse au Devoir. En 2011, on l’a vue dans un court duo avec Marie Claire Forté. L’année précédente, elle s’était commise avec Jean-Sébastien Lourdais. Quand elle les a sollicités pour travailler sur le corps transformé par la grossesse, elle ne se doutait pas qu’il pourrait finalement être difficile d’évoluer hors de ses standards esthétiques de danseuse.
"Comme journaliste-critique, j’adore voir des corps différents, mais il est évident pour la danseuse en moi que je n’ai pas le corps qu’il faut pour danser; et au moment où on se parle, j’ai à résoudre cette contradiction interne, confie-t-elle. Je pensais que ça se ferait de façon plus souple à travers le temps ou, pensée naïve et magique, que la grossesse n’aurait pas tant d’impact que ça sur mon physique… Je me voulais top shape avec une bedaine et ce n’est pas du tout ça."
Suite d’événements formels, le solo de Forté fait écho aux difficultés de la future maman à sentir son utérus et son bébé en début de grossesse. Lourdais, lui, travaille sur une méditation organique entraînant une transformation physique et énergétique. Les deux propositions sont présentées comme des créations évolutives (works in progress) à vocation expérimentale. "Aussi fragile que soit le travail et que je le sois moi-même, on va voir ces danses-là dans ce corps-là deux soirs seulement, rappelle Lalonde. Ce sera intéressant de vérifier plus tard si elles gardent leur sens avec le ventre vide."
Un questionnement d’autant plus intéressant que Junior(e), comme elle se plaît à nommer le bébé, n’est pas sollicité comme performeur. "Je sens qu’il y a en moi quelque chose de différent, qui n’est pas tout à fait moi ni tout à fait encore une entité autre, et c’est comme ça que le bébé a été intégré plutôt que comme un être entier, souligne l’artiste. Parce que pour moi, ça n’en est pas encore un."
Totalisant une quinzaine de minutes, ces créations sont présentées en soirée partagée avec le collectif Nébuleuse qui rassemble une chorégraphe émergente, un compositeur et un vidéaste. Dans Abîmes, ils mettent en scène trois danseurs sur le thème de l’idéal inaccessible.
Nulle part Nulle nullipare et Abîmes
Les 1er et 2 décembre
Au Studio 303
J’ai des réserves en ce qui concerne ce court spectacle (2 jours) que je n’ai pas vu, et que je ne voulais pas voir. La place d’une future mère, enceinte de 7 mois, n’est sûrement pas d’être sur un «stage» et à s’exhiber presque nue. J’ai toujours apprécié les charmes féminins, lorsque présentés lors d’un spectacle. Les chorégraphies de Dave St- Pierre étaient provocantes à mes yeux, mais tout de même acceptables. Cette photo, qui illustre l’article de Fabienne Cabado, me choquait plus qu’elle m’attirait. J’espère avoir tort, car je croyais que ce spectacle passerait inaperçu, ne faisant pas partie du public-cible.
J’avais déjà assisté à un spectacle de baladi (danse du ventre) présenté dans un festival, il y a de cela de nombreuses années. Complètement raté, ce spectacle de 20 minutes avait ennuyé le public qui ne réagissait pas aux demandes de la danseuse enceinte de 6 mois. Essayez de vous imaginer cette danse du ventre. J’ai quitté en ayant l’impression d’avoir assisté à quelque chose de moralement déplacé. Chaque chose en son temps ! De tels spectacles provoquent chez moi des interrogations en ce qui concerne la dignité d’une artiste qui sera sous peu une future maman. La maternité devrait aussi représenter une certaine valeur qui ne serait pas que commerciale.
Cher Normand,
Je ne partage pas ton point de vue sur la présentation chorégraphique de Catherine Lalonde. J’y ai assisté et je n’ai rien retrouvé de déplacer. Juste une façon de montrer à un public restreint (le Studio 303 n’a pas une grande capacité) et intéressé à la dance, ce qu’est le cheminement de la maternité. Catherine Lalonde et Fabienne Cabado sont chacune dans leur rôle trop sérieuses pour être impliqués dans une représentation « exhibitionniste » ou trop choquante. Pour ma part, j’ai bien apprécié.
Loin de moi l’idée de critiquer un spectacle que je n’ai pas vu. Je voulais plutôt opposer une échelle de valeurs à celle de l’utilisation de la grossesse sur scène.