Yvan Bienvenue / Contes urbains : Noël à sept voix
En 20 ans de vie, le Théâtre Urbi et Orbi a ré-enraciné le conte dans le tissu du monde contemporain grâce aux Contes urbains, le bébé d’Yvan Bienvenue, qui a grandi.
Alors qu’il ne signait aucun des textes de la cuvée 2011, Yvan Bienvenue se rattrape cette année avec des Contes urbains tous issus de son imaginaire et liés les uns aux autres. "C’est une grande histoire qui intègre plusieurs histoires, raconte le conteur, poète et dramaturge. C’est une famille qui revient de la messe de minuit et qui a un accident de voiture. On présente les sept personnages de cette même famille en nous racontant l’histoire que chacun a vécue quand il avait 7 ans, la veille ou le jour de Noël. Les histoires progressent du plus vieux (77 ans) au plus jeune (7 ans)."
Fidèle au genre, l’histoire est campée en ville dans le temps des Fêtes, mais après quelques années où le monologue de personnage faisait son apparition aux Contes urbains, Bienvenue a souhaité "dé-théâtraliser le concept", revenir à la forme originelle du récit à la troisième personne, sans quatrième mur, où l’acteur devient conteur. C’est en 1991 que le conteur jetait les bases du genre avec Les Foufs, l’histoire d’un gars victime d’un vol de rein au célèbre bar montréalais. Loin des légendes de nos campagnes, le conte entrait dans la modernité urbaine. "Depuis ce premier texte, on a élargi le truc. À l’origine, c’était les ruelles, la nuit, le rock’n’roll, mais ça devenait presque cliché. Il y a du hardcore aux Contes urbains, mais aussi ce que j’appelle le hardcoeur, les histoires de vieilles dames à 10 heures le matin, parce qu’elles existent dans la ville. Pour moi, le conte urbain doit être inclusif."
On a souvent associé l’arrivée des Contes urbains au renouveau du conte au Québec. En s’éloignant de la folklorisation, ces soirées où se rencontrent un auteur, un acteur et un public ouvraient la voix au Festival interculturel du conte, aux Dimanches du conte de Jean-Marc Massie, et à Fred Pellerin, pour ne nommer que ceux-là; mais, comme le rappelle Bienvenue, il n’y a jamais eu de tradition orale de spectacles de conte au Québec, à l’exception de Jocelyn Bérubé et de quelques productions de contes théâtraux pour enfants. "Les folkloristes faisaient des spectacles de musique et racontaient des légendes, mais la spectacularisation du conte est arrivée avec le conte urbain." Bienvenue lie son apparition à un désir de réappropriation culturelle post-référendaire. "La québécitude entière a été étouffée après 1980. Nos folkloristes se sont expatriés et les gens chantaient en anglais. Alors que tout le monde s’était fermé la gueule, j’ai fait des spectacles de contes traditionnels avec Stéphane Jacques, puis des soirées de contes urbains, qui remplaçaient les Nuits de la poésie, selon moi, dans une volonté de se nommer en tant que culture."
Si les dernières éditions des Contes urbains mettaient au grand jour l’envers du décor des célébrations de Noël, pas toujours dorées, l’événement permet aussi un métissage de cultures qui ne se côtoient pas souvent. "Le potentiel des contes urbains est de réunir une multiculture. Leur géographie rassemble des gens qui habitent parfois le même quartier, viennent de cultures différentes, mais partagent les mêmes références, les mêmes repères. Ça crée une connivence." Les personnages de ces légendes contemporaines sont nos amis, nos voisins, ou la famille, incarnée cette année par sept comédiens (Émilie Gilbert, Stéphane Jacques, Vincent Magnat, Joël Marin, France Rolland, Harry Standjofski, Guy Vaillancourt). Un récital de Noël à sept voix.
Du 4 au 22 décembre
À La Licorne