Les monologues voilés : Islam aux mille visages
Scène

Les monologues voilés : Islam aux mille visages

Les 12 histoires de musulmanes livrées avec une énergie électrique dans Les monologues voilés bousculent nos préjugés face à une communauté métissée qui compte autant de vérités qu’il y a d’individus.

Dans le même esprit libéré et impudique que Les monologues du vagin d’Eve Ensler, Les monologues voilés d’Adelheid Roosen étalent la vie intime et sexuelle de femmes musulmanes, brisant le lourd silence qui pèse à leur sujet. La pièce, d’une grande valeur documentaire, se compose de 12 monologues basés sur des entrevues menées par l’auteure néerlandaise auprès de plus de 70 d’entre elles habitant en Hollande. Malgré une interprétation par moments appuyée de la part des quatre actrices pétillantes, qui rejoint parfois plus le stand-up comic que le jeu théâtral, les textes ne manquent pas de mordant et déboulonnent habilement les mythes sur ces femmes qu’on suppose à tord prudes et dominées par des hommes despotes.

La sensualité et la soif de désir des musulmanes sont d’emblée mises de l’avant par des numéros de danse et de chants enivrés et des prises de parole émancipées. Une Turque témoigne de sa déception à la première relation sexuelle avec un Hollandais, froid calculateur et sans passion par rapport à son regretté mari turc. Ce monologue comique nous renvoie à nos propres limites d’Occidentaux. Les femmes musulmanes sont aussi beaucoup plus ouvertes à se montrer nues et à s’ausculter que les Occidentales, apprend-on, entre autres pour vérifier la virginité de la fille, véritable obsession autour de laquelle tournent plusieurs des monologues. En plus d’être raconté, détaillé et personnalisé, le vagin des musulmanes se trouve étudié par la communauté pour promettre au mari une femme vierge. Une jeune fille que sa mère a jugée déflorée à l’âge de 12 ans raconte son long parcours de honte et d’incompréhension. Bouleversant. On apprend que 600 jeunes femmes font chaque année en Hollande une demande pour un nouvel hymen. Contrariant. Une gynécologue (excellente Hassiba Halabi) déconstruit avec humour le mythe de la virginité, expliquant l’impossibilité pour un médecin de vérifier la chose et donnant des trucs pour tromper le mari. Hilarant. Pour une femme violentée et prisonnière d’un mariage forcé, il y a une lesbienne libérée, et l’excision n’empêche pas la parole libre, nous dit l’auteure.

Ce qui frappe, au final, c’est la complexité des rapports que ces femmes entretiennent avec leur religion et leur sexualité, interprétant l’islam à leur façon. Derrière chaque être humain se cachent un pays, une famille, une religion, une culture, mais surtout une histoire, et pour le comprendre il faut l’écouter.