Frédéric Tavernini / Le Tératome : L'exorcisme d'un défroqué
Scène

Frédéric Tavernini / Le Tératome : L’exorcisme d’un défroqué

Danseur classique passé à la création contemporaine, Frédéric Tavernini s’attaque au rapport à la maladie dans Le Tératome. Une installation chorégraphique qui met le mouvement, la musique et la lumière sur un pied d’égalité.

S’il s’est illustré par son intensité dans des œuvres de Dave St-Pierre, Frédérick Gravel ou Victor Quijada, Frédéric Tavernini est d’abord apparu au Québec dans la masse plus ou moins anonyme des danseurs des Grands Ballets Canadiens de Montréal. Il arrivait d’Europe où il avait dansé au sein de plusieurs grandes compagnies, œuvrant notamment à titre de soliste dans le Béjart Ballet Lausanne et le Ballet de l’Opéra de Lyon. «L’envie de chorégraphier est arrivée avec l’ennui de reprendre toujours le même type de répertoire, explique le Français d’origine. Il n’y avait aucune prise de risque pour le danseur que j’étais, ce n’était plus nourrissant ni inspirant.»

Remarqué dans les ateliers chorégraphiques des Grands Ballets, il signe une première œuvre pour le Jeune Ballet du Québec en 2003. Suivront quelques autres créations de chaque côté de l’Atlantique avant qu’il ne fonde, en 2009, la compagnie Clovek & The 420 avec le compositeur Jean-François Laporte. On les découvre dans la fosse d’orchestre du Théâtre Maisonneuve à l’occasion d’une Journée de la danse; on les retrouve dans une configuration non conventionnelle au Monument-National, présentés par Tangente.

«J’aime transformer les lieux de création et éviter le rapport frontal avec un public assis, commente Tavernini. Les spectateurs pourront se déplacer et nous observer depuis la passerelle du Studio, comme le font les étudiants en médecine dans un bloc opératoire.» Car c’est littéralement à une opération chirurgicale que nous convie Le Tératome, du nom d’une maladie signifiant en grec «tumeur monstre». Dans une scénographie imposante, le chorégraphe et sa complice de création, la charismatique Anne Thériault, y procèdent à une analyse, IRM comprise, un diagnostic et une intervention avant d’incarner physiquement l’évolution de cette tumeur ayant la particularité de produire des cheveux ou des dents.

«Symboliquement, le tératome représente bien la façon dont je voulais parler de la maladie, de la violence avec laquelle elle frappe physiquement et émotionnellement, de sa façon lente et perverse d’affaiblir les gens et du combat qu’on mène pour y faire face et en finir», explique celui qui a mal vécu la maladie de proches et reste très pudique concernant celle contre laquelle il s’est lui-même battu. «Mettre en scène ce que j’ai vécu me permet de le laisser aller, c’est une sorte d’exorcisme, reconnaît-il. C’est chargé, mais on cherche quand même une forme de poésie avec le travail du corps et de la lumière.»

L’éclairagiste Alexandre Pilon-Guay a eu toute latitude pour créer l’atmosphère de cette œuvre en deux temps, tout comme Laporte, qui l’accompagne en direct avec un instrument robotisé, des plaques métalliques amplifiées et un système à air comprimé relié à des tubes et des ballons. «J’ai choisi tous les collaborateurs pour leur sensibilité et pour notre complicité et notre confiance mutuelles, précise Tavernini. Je voulais que chaque discipline ait la même importance, que chacun se fasse plaisir et affirme son identité tout en convergeant vers le sujet de la pièce.»