Karine Denault / Pleasure Dome : Délectable abandon
Trois danseuses et trois musiciens explorent le corps jouisseur dans Pleasure Dome que livre Karine Denault après une trop longue absence.
Arrivée à la création chorégraphique à l’aube de la trentaine avec une signature déjà bien affirmée, Karine Denault a attendu près de six ans avant de signer sa sixième œuvre. Depuis Not I & Others, où elle avait glissé vers une écriture plus minimaliste et une approche plus performative de la danse, elle a fait mille et une choses comme codiriger une maison d’édition et un magazine sur les arts ou parcourir le monde pour voir des spectacles avec la casquette de conseillère artistique du Festival TransAmériques.
«Ces expériences ont nourri ma curiosité artistique et accentué mon désir de marier la danse avec d’autres disciplines en m’inspirant des façons dont les arts visuels, la performance, le cinéma abordent le corps, le sensible ou les états, et en invitant d’autres artistes à être cocréateurs du projet», commente la chorégraphe-interprète qui a réuni à ses côtés ses homologues k.g. Guttman et Dana Gingras, pour laquelle elle a été répétitrice et conseillère artistique, et les trois musiciens de K.A.N.T.N.A.G.A.N.O.: Jonathan Parant, Alexander Wilson et Alexandre St-Onge, avec lequel elle collabore depuis 2002.
«La musique de ce groupe a quelque chose de très enlevant même quand elle est expérimentale, poursuit Denault. Elle est bien dans l’esprit de Pleasure Dome et de la recherche de plaisir, d’euphorie et d’extase.» S’inspirant du philosophe Georges Bataille qui associe quête du plaisir à perte volontaire de l’équilibre et de la conscience de soi, la chorégraphe expérimente par la chair et les sens comment cette théorie peut s’incarner sur scène.
«Ça se traduit de différentes façons dans un travail très sensible et organique, commente-t-elle. On donne l’impression que le corps n’est pas en pleine maîtrise, comme s’il était animé par une force qui nous dépasse. Et on déplace souvent les points d’initiation du mouvement pour nous surprendre et nous mettre en déséquilibre. C’est une forme de transe qui se transforme.»
Également inspirée d’œuvres des cinéastes Kenneth Anger et Dusan Makavejev et de la plasticienne Shary Boyle, la pièce met aussi les musiciens à contribution dans une danse performative. Présentée dans un espace totalement ouvert, elle nous inclut dans cet univers que Denault qualifie d’écosystème que nous sommes invités à pénétrer et habiter.