Anthony Kavanagh : Jeu robuste
Anthony Kavanagh joue à domicile et n’a pas peur de se montrer robuste.
On appréhendait une discussion calme avec le jeune papa Anthony Kavanagh, présomption que l’humoriste s’empresse de malmener en hurlant, avec la voix de stentor d’un animateur de radio FM, le nom du journaliste dès que celui-ci décroche le téléphone. Fidèle à l’incommensurable énergie qu’il déploie sur les planches et sur tous les plateaux télé où il met le pied, Kavanagh, sans pour autant dédaigner les questions plus sérieuses, insère une vanne dans chacune des brèches de la conversation. Le monsieur carbure encore et toujours aux rires.
De retour en terre natale avec Anthony joue à domicile, Kavanagh ne s’est pas contenté de québéciser Anthony fait son coming-out, spectacle présenté partout dans la francophonie européenne et dont il ne revisite de ce côté-ci de l’Atlantique que quelques numéros. Pourquoi ne pas avoir repris malgré tout le titre français, comiquement équivoque? «J’avais peur de partir des fausses rumeurs, blague-t-il, que les gens disent [il prend son accent de Québécois demeuré]: "Je le savais que c’était une grosse tapette, Chose, là… Georges Laraque!"»
Vingt-trois ans après son premier numéro sur le racisme ordinaire des habitants de la Belle Province, Kavanagh revient mettre en évidence les paravents de fausse politesse derrière lesquels se camoufle aujourd’hui la haine de l’autre. «Le numéro s’appelle les préjugés mimés. C’est un propriétaire d’appartement des beaux quartiers, un grand bourgeois. Il parle à son agent immobilier en mimant tous ses préjugés, parce qu’il ne veut pas louer à n’importe qui. Heureusement que je mime les préjugés, parce que si je les nommais, je serais interdit de séjour au Québec et dans plusieurs pays.»
Plus engagé que jamais, Kavanagh compte aussi enfiler son veston de pseudo-prof de sciences po pour éclairer ceux qui ne sauraient comment lire le nouveau clivage gauche-droite prévalant en politique québécoise. «La gauche et la droite, ça se résume assez simplement: la droite aime la liberté, la gauche, la solidarité, et le centre, Occupation double.»
«Enfin, les gens manifestent au Québec pour autre chose que la coupe Stanley», observe-t-il par ailleurs en faisant référence au printemps étudiant. «Avant, on ne parlait que de souveraineté et de fédéralisme. C’est un vieux truc de magicien: on vous demande de regarder ailleurs pendant que par-derrière, on vous met un doigt dans le cul.»