La guerre des tuques au Musée national des beaux-arts : L'amour a pris son temps
Scène

La guerre des tuques au Musée national des beaux-arts : L’amour a pris son temps

Fabien Cloutier porte sur les planches le plus célèbre des films de la série Contes pour tous. Ou plutôt, sur un sol tapissé de neige, là où la froidure de l’hiver craque sous les pas.

Ciné-cadeau l’intègre chaque année à sa programmation. Un roman jeunesse en a été tiré, publié aux éditions Québec Amérique. Vidéotron a repris la mythique scène du baiser et en a fait une version 2012 pour une pub télé. Et là, coup de théâtre! La guerre des tuques sera présentée cet hiver au Musée national des beaux-arts.

On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi personne n’y avait pensé avant. Cette comédie dramatique devenue film-culte de la génération 80 est dans le cœur des Québécois depuis près de 30 ans. Pourtant, c’est seulement en 2013 qu’une adaptation théâtrale voit le jour. «Ça fait cinq ou six ans que Jean Bélanger [directeur artistique du Théâtre sous zéro] a approché Rock [Demers]. Ensuite, il y a eu le processus d’écriture. Je pense que ma première version était finie en 2009, mais avec les problèmes de financement… Pis y avait plein de choses qui bougeaient: Cranbourne, Billy, Sacrifice… Il y a eu trois pièces avant que tout à coup je fasse “O.K., là je m’y remets”», explique l’auteur et metteur en scène Fabien Cloutier.

Cléooooo!

La nordicité est la caractéristique première des productions du Théâtre sous zéro. Après Le conte d’hiver au Sacrilège (2005 et 2006) et Agaguk au Musée national des beaux-arts (2008), les comédiens reviennent au musée et enfilent leurs habits de neige pour présenter La guerre des tuques. D’un côté, le public, bien au chaud dans les gradins de l’auditorium; de l’autre, les acteurs, jouant dehors côté fleuve, à la merci des conditions météorologiques. «C’est presque quand il fait plus chaud que c’est dur, parce qu’il faut quand même que tu gardes ton costume, note Cloutier. On a en masse de stock pour qu’il fasse -25°C. Le côté le fun de jouer dehors, c’est qu’il y a quelque chose de changeant chaque soir. La température devient un personnage.»

Parlant de personnage, c’est Cléo, la chienne saint-bernard, qui sera maître d’œuvre de la représentation en exposant sa propre vision des événements. Pour l’auteur, c’était une manière d’interpréter l’histoire autrement, de la présenter sous un angle différent. «Il faut que les gens viennent pour voir ce qu’on peut faire d’un classique, affirme-t-il. C’est encore actuel. On peut prendre une œuvre, se l’approprier et bien la servir quand même. On va essayer de dire la même chose, mais autrement.»

Marche, ça déniaise

Si le scénario de Cloutier a mis du temps à se concrétiser, l’approbation de Rock Demers, père fondateur des Contes pour tous et producteur de la version cinématographique du premier film de la série, a été immédiate. «Je suis très heureux. Fabien a créé quelque chose de très original. Il utilise vraiment le théâtre, aussi bien que nous on avait utilisé le cinéma. C’est intelligent, respectueux. Les Contes pour tous auraient pu être des films pour adultes. On raconte une histoire du point de vue de quelqu’un qui a 10-12 ans d’expérience de vie, mais on peut très bien la raconter d’un point de vue d’adulte.»

Fabien Cloutier, reconnu pour sa langue crue, dont le franc-parler choque mais amène le spectateur à s’interroger, se garde bien de jouer la carte de la nostalgie et ose brouiller l’aura mystique entourant La guerre des tuques. «J’ai jamais eu comme intérêt de servir la nostalgie. Je trouve qu’on s’accroche trop aux souvenirs. Je ne suis pas un partisan de ça, y a rien qui ne puisse être déboulonné, secoué ou transformé. Moi, comme spectateur, comme consommateur d’art, je suis complètement désintéressé par les choses qui sont au service de la nostalgie. Je trouve que ça mène nulle part.»

Les flancs, les flancs

N’empêche, les fans du film espèrent tout de même avoir droit à quelques tirades légendaires lors des représentations de ce conte «pas» pour tous. Et pourquoi pas à la fameuse scène du baiser de Luc et Sophie devant le fort. «On peut pas passer à côté! s’exclame Cloutier en riant. C’est mythique et c’est indissociable de l’histoire.» Toutefois, il ne sera pas nécessaire d’avoir vu le film pour apprécier la pièce et comprendre les clins d’œil. «Oui, des répliques célèbres, il va y en avoir. Il y en a que j’ai reprises, d’autres que j’ai modifiées. Et si je ne sentais pas que telle phrase servait à quelque chose, je l’enlevais. Ti-Jacques, il se fait rentrer dedans dans le film, ben là il se fait encore rentrer dedans. Est-ce que c’est avec d’autres mots, est-ce que c’est d’une autre façon…»

— Rock: «Les flancs, les flancs…»

— Fabien: Ah ça, les flancs sont encore là!