Warwick : Engagez-vous!
Belle entrée en scène pour les jeunes acteurs de la cohorte 2012 des finissants en interprétation théâtrale du Cégep de Saint-Hyacinthe avec Warwick, une création qui ne réinvente rien, mais pose de bonnes questions.
Les rares pièces de finissants des écoles de théâtre programmées dans nos théâtres ont souvent la fâcheuse habitude d’être collées à l’exercice pédagogique. Pour faire jouer une classe de comédiens, il faut souvent vieillir des jeunes au risque de perdre en crédibilité, et les niveaux de jeu se révèlent souvent inégaux, le baptême de la scène pouvant crisper certains des nouveaux venus au point de leur faire perdre leur sang-froid. La pièce de Jean-Philippe Baril Guérard écrite spécifiquement pour les 11 acteurs réunis sur scène n’a rien d’éblouissant, mais a l’avantage de mettre en valeur le travail d’équipe et la belle chimie du groupe plutôt que d’isoler un ou deux individus.
Warwick traite autant de la guerre que de la jeunesse, dont elle fait un portrait désopilant, la première faisant figure d’expérience extrême presque enviable aux côtés de la triviale existence d’une bande d’amis sans avenir. À travers l’histoire de ce soldat revenu d’Afghanistan paraplégique, qui ne rêve que de repartir sur le terrain et a perdu son camarade, a priori «moins chanceux que lui», qui s’est fait sectionner les jambes et s’est ensuite enlevé la vie, l’auteur oppose des jeunes qui se cherchent et d’autres qui se trouvent et succombent aux tentations autodestructrices pour des raisons différentes. Le fossé qui s’est creusé entre les jeunes de Warwick qui se gèlent la face et leur ami rescapé du champ de bataille (très juste David Strasbourg) suggère celui qui se creuse aussi entre notre société qui regarde la guerre à travers le prisme des médias, représenté ici par des journalistes qui manipulent l’information que leur transmettent les soldats, et les militaires, dont on connaît finalement peu de chose en profondeur.
Pour représenter ce décalage, le metteur en scène Michel-Maxime Legault oppose l’image abstraite du soldat qui nous est transmise par de froids témoignages journalistiques et celle qui s’incarne devant nous à travers le personnage d’Hubert, qui revient dans son village et dont la vie a perdu son sens. Son ex est devenue danseuse nue, ses amis se vautrent dans la coke et les jeux vidéo et personne ne s’intéresse à ce qu’il a vécu. En amenant sans trop l’appuyer la question du suicide et, par ricochet, celle de la vie qui a un goût plutôt fade pour les jeunes de Warwick, l’auteur pose de pertinentes questions sur ce qu’on offre à la jeunesse désengagée. La pièce jette de la lumière sur les perspectives sombres, mais aussi excitantes, de l’armée pour ces individus dépourvus de moyens. Bien dirigée, cette honnête production a le mérite d’ouvrir le débat et de faire une belle place à des jeunes tout juste lancés dans l’arène du théâtre, dont on salue l’engagement artistique palpable qui, espérons-le, ne s’érodera pas au premier combat.