Le iShow : Techno pour intimes
Édith Patenaude et Maxime Carbonneau font partie des Petites Cellules Chaudes qui ont créé Le iShow (ou je m’occupe de transférer le message à Chanda), qui explore le brouillage des frontières privées et publiques, réelles et fictives des réseaux sociaux.
Notre rapport aux médias sociaux se taille résolument une place sur la scène théâtrale en ce moment. Alors que l’Espace Go présente la pièce de Guillaume Corbeil sur le sujet, l’Usine C propose, dans le cadre de la Série Temps d’images, une expérience hors du commun, née d’un stage dirigé par Claude Poissant (qui met aussi en scène la pièce de Corbeil) sur Le devoir de création et les joies du péril. Les 15 participants se sont penchés sur les mutations de la communication amenées par les réseaux sociaux pour créer ce spectacle en grande partie improvisé qui utilise le Chatroulette, un site qui met en relation deux individus de manière aléatoire. «En creusant, on s’est rendu compte que les réseaux sociaux changeaient notre rapport à la communication, à l’exhibitionnisme et au voyeurisme, mais surtout à la solitude et au rapprochement», explique l’actrice Édith Patenaude, qui a signé la dramaturgie aux côtés de Sarah Berthiaume et de Gilles Poulin-Denis. «Pour nous, l’intérêt était de fouiller les réseaux sociaux sans jugement, en essayant de se commettre aussi, pour que se dégage du show quelque chose d’humain.»
Les 15 acteurs assis autour d’une grande table, devant leur écran d’ordinateur, entreront donc en contact avec des gens par le truchement de Chatroulette, se risquant aux imprévus que l’expérience implique. «L’idée est de montrer sur scène notre rapport intime aux médias sociaux, plutôt que de faire une démonstration technologique», précise Maxime Carbonneau, qui signe la mise en scène avec Philippe Cyr et Laurence Dauphinais. «Chacun travaille sur son propre ordinateur, avec son matériel informatique personnel. Nous sommes des low-tech qui font un show sur la technologie. Il y a donc une prise de risque constante, mais l’idée est d’intégrer les ratés, qui font aussi partie de l’expérience.»
Faire du théâtre à partir d’un matériau public, mais consommé généralement en privé, vient poser des questions sur ce nouveau type de relation au monde développé avec les nouvelles technologies. «On s’est mis à rencontrer des gens par les réseaux sociaux et à essayer de les amener dans le show, poursuit Patenaude. On joue parfois sur une frontière très mince entre ce qu’on a le droit de faire ou pas, parce que les gens ne savent pas forcément qu’ils sont dans un show. Ça pose des questions éthiques: jusqu’où peut-on entrer dans la zone pornographique (indissociable de ces sites de rencontres), comment montrer les visages, ou les gens nus, et rendre poétique ce matériau brut et concret de l’écran?»
Malgré des moments improvisés et beaucoup d’inconnu, le spectacle a été travaillé et structuré pour inclure des parties plus construites. «On a créé des cellules de mise en scène et de dramaturgie pour faire des choix et organiser le travail dans sa structure, parce que c’est un show assez fragmentaire: une juxtaposition de tableaux mis ensemble de manière impressionniste», explique Patenaude. Maxime Carbonneau, qui a été le chef de l’organisation des branchements, a dû relever plusieurs défis techniques, mais a aussi participé à la composition de certains tableaux. «J’ai créé, avec le musicien Navet Confit, une symphonie à partir des superpositions de clips tirés de YouTube.»
Travail collectif qui s’est fait en grande partie par des échanges à distance sur les réseaux sociaux (les 15 membres ne vivant pas tous à Montréal), Le iShow a imposé à l’équipe de nouvelles méthodes de travail pour répondre au spectacle atypique. «De l’organisation du péril, résume Patenaude, et un choix de travailler sans filet.»