Les morb(y)des : Miroir grossissant
Scène

Les morb(y)des : Miroir grossissant

La pièce Les morb(y)des nous renvoie de manière percutante l’image de notre propre solitude exacerbée par les univers virtuels qui déréalisent la vie.

En se retrouvant dans un demi-sous-sol où vivent deux sœurs corpulentes, Stéphany (Julie de Lafrenière) et sa sœur aînée (Kathleen Fortin), le spectateur ressent une curiosité coupable. Pendant que Sa Sœur passe ses journées sur son divan devant la télévision, Stéphany essaie d’échapper à l’inertie et à la solitude en pédalant sur une bicyclette stationnaire et en clavardant avec la communauté virtuelle des morb(y)des qui se passionnent pour les tueurs en série.

La force de cette production tient en cette amplification de la réalité et des procédés dramatiques qui permettent de dévoiler les dimensions cachées des corps et des pensées. Ainsi, tout en grossissant les traits de caractère des personnages et les situations dramatiques à la limite de la caricature, la mise en scène de Gaétan Paré dévoile les subtilités de la psychologie des personnages tragicomiques imaginés par Sébastien David. La performance remarquable de Kathleen Fortin contribue à la force de frappe de cette pièce. En dépit d’un certain décalage entre les niveaux de jeu des comédiennes, Julie de Lafrenière assume avec le même aplomb que Fortin la charge verbale et physique de cette pièce troublante.

Les comédiens se distancient par moments de leur personnage pour faire rire les spectateurs, notamment par des déplacements loufoques. Ce procédé, bien que parfois trop appuyé, apporte une dimension humoristique et autoréflexive à une pièce qui cherche à interroger le rapport entre la réalité et la fiction autant dans la vie qu’au théâtre. Ainsi, l’incursion de l’auteur dans sa pièce, sous les traits de l’énigmatique et rachitique Kevyn, contribue à cet effet de distanciation qui démultiplie les niveaux d’interprétation. On en vient à voir en cette femme enchaînée à son divan et à sa télévision la pierre d’achoppement de toute une lignée de personnages féminins du théâtre québécois figés dans leur condition sociale. De la même façon, le fauteuil surdimensionné fait éclater les cadres du théâtre réaliste qui occulte souvent le réel en voulant le montrer.