Semblance : Une pièce sans fusil
Scène

Semblance : Une pièce sans fusil

Que du concret dans Semblance. Le collectif dont fait partie Danielle Le Saux-Farmer vise le très près: quelque chose dans l’air du temps.

Il n’y aura pas de morts dans Semblance, création collective de la ponte 2010-2011 du Conservatoire d’art dramatique. Pas de rupture tragique, aucune tour qui s’effondre: que du ici et maintenant, dans un spectacle tout offert aux préoccupations quotidiennes. Tout de même, des préoccupations sacrément intéressantes.

«Le slogan du spectacle, rappelle la comédienne et créatrice Danielle Le Saux-Farmer, c’est “Exister dans le regard de l’autre”. Ça résume bien comment chaque personnage veut être vu.»

Place à Fannie, donc, versée dans les excès du corps, désireuse de trouver ce qu’il faut pour imprégner la rétine de l’autre; à Paul et Patricia également, le couple vendeur de psycho-pop à la façade impeccable ou presque; à l’acteur qui veut être vu derrière le rôle, aussi, et au photographe qui veut voir derrière l’image.

Dans une version remaniée de la proposition qu’elle avait présentée en 2010, l’équipe de création, toujours sous la direction de Jean-Philippe Joubert, s’est donné pour point focal un malaise bien palpable dans le «jour le jour» de nos vies; si omniprésent, en fait, qu’en parler tient de l’urgence. 

«Oui, constate Danielle Le Saux-Farmer: urgence. Parce qu’on dirait que plus on s’éloigne d’un contact réel avec l’autre, plus on a une urgence de s’exprimer et de se faire entendre. C’est étrange: on est si loin de l’autre, mais on a une telle volubilité numérique, les tweets, les statuts Facebook, cette façon de communiquer par les images et les mots-flashs, les idées-flashs. C’est paradoxal: il y a une urgence d’aller vers l’autre, mais c’est comme si on se garrochait contre un mur… Et de plus en plus fort.»

On manque de mots, peut-être, pour nommer le mal qui nous entoure. C’est trop là, c’est trop partout. La jeune comédienne, vue récemment dans Le projet Laramie, le sent parfaitement. Si bien qu’on peut comprendre les hésitations qui l’habitent: «Je travaille depuis deux ans dans la réécriture, tellement que je ne sais pas vraiment ce que ça va donner, sincèrement. Y a tellement de choses à dire autour de cela: pour les deux heures de spectacle, j’en prendrais trois autour d’une bière…»

Mais bon: comme il faut bien commencer quelque part…