Simon Boudreault / Hypno : Mystère et boule de gomme
Scène

Simon Boudreault / Hypno : Mystère et boule de gomme

Avec Hypno, le dramaturge Simon Boudreault scrute les limites mystérieuses et inquiétantes de l’hypnose sur l’inconscient. Une confrontation entre un magnétiseur et ses sujets désorientés.

Écrite en 2006, la pièce Hypno était initialement destinée à des échanges dramaturgiques avec la ville de Buenos Aires. Faute de fonds, le projet a avorté et la pièce a été tablettée. Jusqu’à ce que le Tsunami Théâtre, qui a monté quatre pièces de Simon Boudreault (dont La vague de fond), vienne la sortir des boules à mites.

«Cet été-là, j’avais vu un petit numéro d’hypnose au Saguenay sous une tente, dans un festival avec un cochon rôti, se souvient l’auteur de Sauce brune, Simon Boudreault. Ça m’avait incité à lire sur les limites de l’hypnose. En réalité, l’hypnotiseur nous fait faire seulement ce qu’inconsciemment nous sommes prêts à faire. Je trouvais intéressant cet accord tacite entre le manipulateur et le manipulé.»

Hypno raconte l’histoire du Prince, un hypnotiseur de scène, et de sa femme ombrageuse, qui reçoivent la visite de Victor, un admirateur fou. Dans son délire, il les pousse à le suivre dans son appartement pour leur présenter celle qui partage ses nuits. L’épouse de Victor viendra aussi demander des comptes au Prince avec qui elle a conclu un accord. «Je me suis demandé: jusqu’à quel point peut-on faire confiance à un hypnotiseur? Ce rapport devenait particulièrement intéressant dans une relation de couple qui repose justement sur la confiance.»

Boudreault a donc imaginé un secret douloureux enfoui par le Prince dans l’inconscient de sa compagne: «Sans l’intervention de l’hypnose, elle serait probablement morte. Pour la sauver, il a effacé sa mémoire.» Un premier mensonge qui entraîne le Prince dans un tourbillon digne d’un polar aux relents fantastiques. «J’ai eu envie de les mettre dans des situations extrêmes. L’hypnotiseur n’a évidemment pas de pouvoirs surhumains, mais je me suis aventuré dans les limites du réalisme.»

Oscillant entre la comédie et le drame, Boudreault interroge les effets potentiellement pernicieux de l’hypnose-spectacle: «Je crois au pouvoir de l’hypnose d’influer sur l’inconscient. N’est-il pas dangereux d’en faire un spectacle? Surtout qu’aujourd’hui, on l’associe à l’illusionnisme ou à la magie. Or, l’hypnose est bien réelle. Laisse-t-elle des séquelles aux spectateurs? Dans le numéro que j’ai vu au Saguenay, l’hypnotiseur avait convaincu un spectateur que sa chaise était faite en or. Quand le spectacle s’est terminé, l’homme est parti avec. A-t-il été "déshypnotisé" ou pensera-t-il à tout jamais que sa chaise est faite de métal précieux?» s’amuse-t-il.

Pour la première fois avec Hypno, Simon Boudreault n’est pas impliqué dans la création d’un de ses textes. Seule une lecture en compagnie des comédiens lui a permis de faire de la réécriture. «Dans la première version, le français international de la langue me gênait. Je l’ai rapproché de notre réalité québécoise», affirme Boudreault, impatient de voir ce que le metteur en scène Luc Bouffard a fait des contraintes techniques de son texte, notamment en ce qui a trait aux nombreux «noirs» justifiés par des pannes d’électricité, rappelant les clignements d’yeux d’un sujet hypnotisé, prêt à vaciller dans les limbes.