Taram : Ces écueils cathartiques
Scène

Taram : Ces écueils cathartiques

Pour mettre en scène Taram, Pierre-Antoine Lafon Simard a puisé dans la brutalité merveilleuse des mots de Marjolaine Beauchamp. Spectacle théâtral viscéral doublé d’un concert rock, directement d’Ottawa.

Pierre-Antoine Lafon Simard aurait pu remâcher un classique de Molière selon les codes théâtraux étudiés à l’École nationale de théâtre, dont il est diplômé, mais il n’a que faire des conventions. À preuve, il se présente seul à l’entretien auquel Voir les a conviés, lui et la slameuse Marjolaine Beauchamp, vedette et auteure de Taram. «C’est juste qu’aujourd’hui, elle est no show, no call

Lafon Simard s’est jeté à corps perdu dans la mise en scène de Taram, atteint, selon ses dires, du syndrome de l’«enfant de riches»: «Si je me fais chier à être assis là, à faire 75 cennes de l’heure, au moins je vais “buzzer”. C’est ce danger-là qui me nourrit.» À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire: voilà le credo que le metteur en scène s’efforce de magnifier dans la pièce Taram, dont le processus créatif s’est articulé en trois saisons. En 2011, la directrice artistique du Théâtre du Trillium, Anne-Marie White, offre à Marjolaine Beauchamp l’une de ses cartes blanches lors de son Laboratoire Gestes, puis, quelques mois plus tard, dans le cadre des Contes nomades du CNA. Des assises mises de l’avant lors de ces deux tentatives, Lafon Simard retient la création de ce bipersonnage (interprété par Beauchamp et Micheline Marin, deux femmes qui «se recoupent dans la brisure», selon lui), le cœur même de Taram. «Cette femme bicéphale, intemporelle, se retrouve dans ce marécage qu’est ce Notre-Dame-du-Laus–Taram un peu mythologique, l’écueil de toutes les tristesses, de toutes les pauvretés. Taram se veut la rencontre de ces deux personnages-là, l’une qui entre dans cet univers, l’autre qui veut en sortir. À savoir si ce sont des sœurs, un couple mère-fille, la même personne, on ne saurait dire», affirme celui qui s’est inspiré des flous narratifs de la poésie pour ériger la trame du spectacle. Une large place est aussi donnée à la musique, par la présence des musiciens Olivier Fairfield et Pierre-Luc Clément (FET.NAT.), qui occupent l’espace scénique.

«Je ne suis pas théâtrale» est une affirmation qui est souvent sortie de la bouche de Beauchamp, vice-championne mondiale de slam. Pourtant, c’est elle qui irradie Taram de sa poésie féroce et de son grand amour insatiable. «Après 15 sacres, quand tu entends un "Je t’aime", ça fait mal, expose Lafon Simard. Marjo, je lui ferais jouer de la tragédie grecque demain matin.» Le metteur en scène conclut: «C’est du théâtre sans filet. Tu vas voir Taram comme tu vas dans un show rock. À un moment donné, tu tapes du pied, tu cries "yeah!", pis à d’autres moments tu pleures, tu veux allumer un lighter