Alexandre Hamel / Patin libre : Révolution de glace
Scène

Alexandre Hamel / Patin libre : Révolution de glace

La troupe montréalaise de patinage contemporain Patin libre a pris la glace d’assaut pour développer une création loin des paillettes et des carcans du traditionnel patinage artistique. Son fondateur Alexandre Hamel défend ce nouvel art contre vents et marées.

Malgré ses hivers glaciaux et ses jardins de givre, le Québec n’est pas devenu la terre d’accueil d’une nouvelle forme de danse contemporaine sur glace créée par la petite troupe Patin libre, fondée en 2005. Première compagnie spécialisée dans le genre, connue pour ses interventions urbaines visant à initier les gens à la danse sur patins, mais aussi pour ses spectacles hors-norme, mélange de danse, théâtre et virtuosité, Patin libre a dû s’exiler en France il y a trois ans, faute d’un lieu où s’entraîner. «La danse sur patins est interdite sur nos patinoires publiques», explique Alexandre Hamel, membre fondateur de Patin libre, formé de Pascale Jodoin, Tailor Dilley, Samory Ba et Jasmin Boivin (compositeur musical). «On est ultraconservateurs au Québec dans le monde du patinage. Les patinoires sont gérées par des boys du milieu sportif, alors qu’en France, la patinoire est définie comme un centre de loisirs communautaire. En Europe, durant les séances de patinage publiques, les gens ont le droit de danser, et la danse urbaine sur glace est en pleine explosion! Montréal pourrait devenir le centre de la danse urbaine sur patins si les cols bleus pouvaient arrêter de siffler quand on danse sur les patinoires!»

La troupe s’est donc posée en Europe, où elle se nourrit de l’émergence de ces nouvelles formes de danse improvisée sur glace, tout en se démarquant par son unique et singulière signature. Composée de patineurs de haut niveau, elle concentre son travail sur une exploration du mouvement propre au patinage, chorégraphié et travaillé pour l’extraire de ses carcans traditionnels, un peu comme les gymnastes ont un jour utilisé leur savoir pour créer le cirque contemporain, un grand modèle pour la troupe. Si la danse et le cirque ont accompli leur révolution et atteint la modernité, le patinage n’avait pas encore fait la sienne. «Pour atteindre la nouveauté en patinage, il fallait froisser le patinage traditionnel et on a immédiatement été identifiés comme des rebelles, affirme Hamel. Plusieurs individus ont fait des choses intéressantes en termes d’innovation, mais toujours à l’intérieur du réseau de diffusion de Stars on Ice ou des galas de patinage, donc limités dans les formats. Le patinage est l’as du pastiche. On imite la danse folklorique, le ballet, la danse contemporaine, et l’art est souvent décoratif. Nous, on a inversé pour mettre l’accent sur le côté artistique, sur la recherche et l’exploration, soutenues par des acrobaties du patinage traditionnel (triples sauts et pirouettes), mais faites uniquement parce qu’on en a besoin visuellement.»

En attendant d’entrer dans les programmations des festivals ou des théâtres, où elle aimerait pouvoir s’inscrire «hors les murs», la troupe poursuit sa route en solitaire, présentant durant tout le mois de mars à Montréal sa nouvelle création Patineurs anonymes, première œuvre complète, fruit de plusieurs années de recherche et d’essais.