Caroline Gendron / Gabie : Le monde selon Gabie
Scène

Caroline Gendron / Gabie : Le monde selon Gabie

Née d’une collaboration entre l’actrice Caroline Gendron et la metteure en scène Marie-Ève Gagnon, Gabie revient dans un monologue lui étant entièrement consacré. Bienvenue dans le monde d’une femme au cœur d’enfant.

Caroline Gendron cartonne à la télévision depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre (Cauchemar d’amour, Ramdam, Watatatow, Lance et compte, Une grenade avec ça?, Fan club), mais traîne aussi un personnage auquel elle est particulièrement attachée, issu de son imagination. Créée pour Parlons chasse et pêche, une pièce collective mise en scène par Marie-Ève Gagnon en 2005, Gabie est désormais au centre d’une nouvelle création signée par le Théâtre Sans Borne. Marginale, cette jeune femme colorée et naïve nous raconte son histoire. «Je n’ai jamais voulu la stigmatiser ou dire qu’elle a une maladie mentale, précise l’actrice et auteure du solo. Je préfère dire que c’est une femme-enfant, même si ceux qui la verront vont la positionner dans la société et la percevoir comme atteinte de maladie mentale. Pour moi, c’est un clown rouge qui raconte une histoire d’amour et de trahison.»

Amoureuse de Martin, qui travaille au vidéoclub et lui fait découvrir le bonheur de la «rotation», ou l’art de changer les choses de place, Gabie coud des petites sacoches et récupère tout ce qu’elle trouve. Simple d’esprit, mais dotée d’une foisonnante imagination, cette «simplette magnifique» invite le spectateur à voir le monde selon son point de vue souvent farfelu sur la réalité. «Gabie est ostracisée, mais ne le sait pas. On voit souvent les effets que les personnages avec un handicap ont sur les autres. On en a pitié ou on s’y attache. Alors que dans le cas de Gabie, ce ne sont pas les autres qui sont au centre de la pièce, mais elle. On passe derrière le miroir, dans son monde à elle. C’est pourquoi c’est très poétique, avec des envolées lyriques et des images qui décollent du réalisme.»

Poursuivant le travail amorcé avec la metteure en scène Marie-Ève Gagnon dans la première mouture du personnage, Caroline Gendron manie toutes sortes d’objets, dont des marionnettes et des masques, dans une gestuelle très personnelle. «C’est très baroque. Il y a beaucoup de petits objets, parce que Gabie recycle et accumule beaucoup. Le décor donne une impression d’étouffement et met en valeur la façon très personnelle qu’elle a de s’exprimer: elle est ultra-expressive et utilise beaucoup de métaphores qui nous transportent ailleurs.»

À l’instar des clowns rouges, Gabie porte en elle une maladresse, grossie pour l’exercice. «Elle parle souvent plus vite qu’elle ne réfléchit et dit tout haut ce qu’on pense tout bas. Elle se met tout le temps les pieds dans la bouche. Le drame est lourd et bouleversant, mais elle a une façon de voir le monde qui est assez drôle. C’est très ludique malgré tout.» Dans ce monde intérieur, une seule voix la ramène vers le réel, celle de son répondeur, qui lui rappelle sa «limitation intellectuelle». Cette boîte vocale engagée nous renvoie aux normes qui encadrent notre monde et que Gabie nous invite à franchir.