Off Rhinocéros : Tough love
Scène

Off Rhinocéros : Tough love

Avec Off Rhinocéros, Jocelyn Pelletier attaque un classique avec toute la liberté qu’exige la création. Comme une sirène d’alarme, pour l’amour du théâtre.

On s’ennuie trop souvent au théâtre; qu’un groupe de comédiens y aille d’un coup de gueule contre les institutions théâtrales, locomotives d’un milieu qu’ils chérissent, a donc de quoi réjouir: «Le théâtre peut être une des disciplines les plus intéressantes, rappelle Jocelyn Pelletier, les plus humaines. Il possède une force qui, malheureusement, n’est pas beaucoup utilisée.»

Le théâtre, c’est connu, peut charrier une intensité beaucoup plus vive que les écrans qui ont la cote. Malheureusement, déplore Pelletier, «ce sentiment n’est pas souvent là»…

Avec trois pièces «off» jouées parallèlement à des classiques présentés à la Bordée et au Trident, ils espèrent challenger les institutions qui, malgré les moyens dont elles disposent, peinent parfois à s’approprier les classiques, à les relire suffisamment. Steve Gagnon y allait récemment de son Britannicus, et Édith Patenaude fera bientôt de même avec Hamlet; en marge de la pièce qui roule présentement au Trident, Pelletier reprend quant à lui un Rhinocéros dont il dit s’inspirer «très» librement. Du texte d’Ionesco, il retient surtout l’intolérance à la différence, et les idéaux qu’on réussit à nous vendre: «C’est ainsi que fonctionne la société de consommation: même si c’est de l’ostie de marde qu’on va te vendre, et que ça va te nuire, si c’est bien enveloppé, tu vas l’acheter. C’est ce qu’ils veulent.»

Dans un même mouvement, il rappelle la violence croissante dans les écoles, celle qu’exposait notamment une pièce comme Le 20 novembre, présentée il y a peu de temps à la salle Multi. «Et c’est aussi la réussite à tout prix: pas de faiblesse. C’est ce que je ressens et qui me trouble autant, par exemple, dans l’idéologie nazie. Dans mon coin, à la Saint-Jean-Baptiste, quand les skinheads débarquaient, c’était pas chic. Même chose ici, quand tu vas au Scanner: quand les skinheads débarquent, croise-les pas des yeux, parce que… Ces gens-là ont l’impression qu’ils portent la bonne cause.»

Sur scène avec Alexis Cousineau et Érick d’Orion, «le maître du noise», qui assurera l’ambiance sonore, Pelletier prépare ainsi au sous-sol – tout indiqué – du Cercle une prestation pour les couche-tard, qu’on sent puisée à même ses inconforts. Motivée, aussi, par un amour trop fort du théâtre pour le voir se reposer.

Du 27 au 30 mars

Au Cercle