Les Appendices : Éloge de la porosité
Scène

Les Appendices : Éloge de la porosité

Guitares au cou, Les Appendices poursuivent sur scène leur louable entreprise de réhabilitation du chandail de loup et de la coupe Longueuil. Portrait d’un groupe d’omnipraticiens de l’humour, experts en méta comme en pipi-caca. Parce qu’il vaut mieux être trop que pas assez poreux.

Au bout du fil, ça s’entend, Julien Corriveau flotte sur un nuage. C’est que le membre des Appendices n’en revient tout simplement pas qu’une photo de son groupe (également composé de Dave Bélisle, Jean-François Chagnon, Sonia Cordeau, Dominic Montplaisir et Jean-François Provençal) ait été retenue par l’équipe d’Échos vedettes pour illustrer les mots croisés figurant chaque semaine que le petit Jésus ramène dans ses pages, insigne honneur ayant valeur de rite de passage pour tout aspirant membre en règle du showbiz québécois. «C’est la consécration. On rejoint enfin les Christian Bégin et les Pierre Marcotte de ce monde», se réjouit-il avant d’ajouter, incapable de ne pas révéler l’entière vérité: «C’est parti d’une joke sur Twitter. Je pense que c’est Provençal qui a lancé l’idée en s’adressant au compte d’Échos vedettes. On a dû leur pousser un petit peu dans le dos, mettons.»

Qu’il ait fallu tordre le bras aux autorités derrière la quinquagénaire feuille de chou ou pas, Les Appendices méritent en 2013 plus que jamais cette indicible distinction, sorte de cerise sur le gâteau d’une année faste qui leur aura entre autres permis de récolter, avec la cinquième saison de leur série de sketchs diffusée sur les ondes de Télé-Québec, leurs meilleures cotes d’écoute à vie. En octobre dernier, les plaisantins colligeaient enfin, à la demande générale, les chansons-vers d’oreille qui pimentent leurs émissions en un disque sobrement intitulé Les Appendices chantent (Les chansons des Appendices). Ouvert à toutes les formes d’humour et à tous les genres musicaux, ce premier album jouissivement poreux (trop poreux?) réunit sous la même guillerette et sagace enseigne afro-pop pipi-caca (Malade autour du monde), synthpop géométrique (Beau cube) et sadcore grivois (Je vais mourir), hétéroclite répertoire que la troupe entonne ces jours-ci sur scène en formule «chansonnier/bonne franquette», dixit Corriveau (comprendre: il faudra malheureusement renoncer pour l’instant à entendre Monsieur Mousteille, décorateur d’intérieur à la pilosité incertaine et à la prononciation pâteuse, discourir devant une foule en délire de l’importance de manger des fruits).

«Quand on a commencé, on aimait beaucoup l’absurde, le dada, le nonsense, on était très inspirés par Ionesco et les Monty Python, on creusait beaucoup de ce côté-là, on ne faisait pas encore de parodies, par exemple», explique celui qui se dit aujourd’hui spécialement fier de la chanson Beau Dommage, renversant mashup entre Harmonie du soir à Châteauguay et Le blues d’la métropole, parfait pastiche de la formation du même nom serti de lignes de guitare qu’aurait pu jouer Michel Rivard en 1974. «Maintenant, le seul critère qui nous guide, c’est qu’il faut que ce soit drôle», poursuit l’omnipraticien de l’humour. «Faire des affaires absurdes et weird, on aime ça autant que faire des sketchs très premier degré. Il y a une réflexion derrière l’absurde, c’est une critique des tabous, c’est une réflexion sur la condition humaine en général, mais on ne veut pas être dans ce propos-là tout le temps. Tirer dans tous les sens, c’est ce qui nous intéresse avant tout.»

Indestructible chandail de loup

Tour de force s’il en est, Les Appendices seront parvenus à insuffler, en deux chansons ayant déjà acquis l’aura de classiques, une vie nouvelle à des éléments de la culture white trash au sujet desquels, croyait-on, toutes les blagues avaient été faites. Merci à Courts su’l top, hymne à la coupe Longueuil (mieux connue en Estrie sous l’appellation Coaticoupe), et à Chandail de loup, ode à ces improbables gaminets recyclés, au cours des dernières années, par l’insatiable machine à ironie de l’internationale hipster, ritournelles grâce auxquelles nous pourrons rire encore longtemps de ces reliquats des années 1980.

Alors, Julien, prononcez-vous sur cette question d’intérêt public: pour ou contre le port ironique du chandail de loup? «Moi, je trouve ça vraiment drôle. J’en porte. Et je ne les porte pas ironiquement en fait. À un moment donné, tu te fais prendre à ton propre jeu, tu te moques d’abord de quelque chose avant de finir par l’aimer pour vrai. Le chandail que je porte dans le clip, celui qui a des loups sur les manches, l’accessoiriste me l’a donné et j’étais ben, ben content.»