La réunification des deux Corées : Mon bel amour, ma déchirure
Scène

La réunification des deux Corées : Mon bel amour, ma déchirure

Le célébré metteur en scène français Joël Pommerat présentera en primeur nord-américaine sa nouvelle création: La réunification des deux Corées. Un objet qui, curieusement, traite de l’amour et du manque de celui-ci.

«All You Need Is Love», Lennon chantait. Et si ce n’était pas le cas? Et si, en vérité, l’amour n’était que mensonge, puisque la réalité reste la même: nous naissons seuls, nous mourrons seuls. Ou peut-être est-ce autre chose. Le manque intangible, la volonté dans laquelle tout être se jette à corps perdu dans l’amour, sans toutefois être capable d’en définir la cause.

Telle sera la matière première du nouveau projet du dramaturge français Joël Pommerat et sa compagnie Louis Brouillard – nom qui fait référence, on s’en doute, à Louis Lumière –, La réunification des deux Corées. «Il m’a demandé cent fois ce qui n’allait pas entre nous. Je lui ai répondu qu’il n’est pas possible de continuer sans amour. Alors, il m’a demandé en quoi devait consister cet amour. Et je lui ai répondu que je n’en savais rien puisqu’il n’est pas possible de décrire une chose qui n’existe pas, qu’on ne connaît pas. Je m’imagine en moi des possibilités d’amour, mais elles demeurent enfermées à l’intérieur», déplore une femme en instance de divorce, protagoniste de l’un de ces fragments de l’amour sur lesquels s’attarde Pommerat.

De ces fragments, de ces figures que l’on verra se détailler au fil du spectacle et au gré de sa scénographie bifrontale signée Éric Soyer, collaborateur de longue date de Pommerat, on retrouve dans cette proposition théâtrale ces heurts sentimentaux: une femme annule son mariage à quelques heures de cette célébration quand elle apprend que son futur mari aurait dragué ses quatre sœurs, une autre retourne à son foyer à la suite d’une séparation pour retrouver son mari pendu. Des saynètes pleines de pathos et parfois dignes d’un soap magnifique dont on aurait perdu les schèmes et égaré les clichés. Pas surprenant d’apprendre que Pommerat se serait inspiré de Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman de même que des Rien qu’un rêve et La Ronde d’Arthur Schnitzler (ces deux récits auraient d’ailleurs permis à Kubrick d’écrire ce qu’est devenu Eyes Wide Shut).

Une pièce à voir, ne serait-ce que pour le génie de Pommerat, souvent décrit comme l’un des plus grands de l’Hexagone.