Hamlet : Être. Ou pas.
Scène

Hamlet : Être. Ou pas.

La Bordée fait appel à Marie-Josée Bastien pour clore sa saison, avec un monstre parmi les monstres du théâtre: Hamlet. Un intouchable. Ou pas.

On a Marie-Josée Bastien au bout du fil: la directrice artistique des Enfants terribles assurera la mise en scène d’Hamlet, à la Bordée. Et bien sûr, on s’invente des questions profondes: parce que c’est Hamlet, quand même, creuset sans égal de questions existentielles.

La discussion avance. On en vient à parler de la traduction de Jean Marc Dalpé, qui privilégie l’action, de Jean-Michel Déry qui, avec son style nerveux et sa présence forte, fera un merveilleux rôle-titre: le prince de Danemark hanté par la volonté de son père trépassé. Ce «fils qui refuse de vivre».

On jase. Les mots se succèdent, etc.

Mais c’est au détour d’une dernière question que, tout à coup, l’entrevue s’emballe comme il se doit: quand on lui demande si elle a la chienne. Parce qu’il s’agit d’une œuvre entourée d’un commentaire incommensurable, parce que c’est sacré et parce que les attentes pourraient… l’attendre, justement.

Mais Marie-Josée Bastien a déjà rebondi, animée et catégorique: «Il ne faut pas prendre le théâtre en ayant la chienne. Si on décide de faire ça, on dirait qu’on veut faire la bonne affaire…»

Et la bonne affaire, c’est justement ce qu’on redoute. S’ensuivrait un spectacle au rendu plutôt lisse, auquel on trouverait peu à redire sinon qu’il ne nous a pas fait vivre grand-chose. «Quand on me l’a proposé, j’y ai pensé: “O.K., tout le monde va s’attendre à…” On a l’impression qu’il faut monter le Hamlet encore jamais monté; mais quand j’ai pris la décision, j’ai aussi décidé de monter mon Hamlet, celui qu’avec les comédiens on a envie de faire.»

Libertés à l’horizon, donc; et on ne demande que ça, qu’elle en prenne. Shakespeare, s’il veut marquer son mécontentement, pourra toujours quitter la salle. «Je le referais dans dix ans, ce serait peut-être autre chose. Mais où je suis rendue dans ma vie de metteure en scène, de comédienne, d’artiste, d’enseignante, c’est vraiment celui-là que j’ai envie de monter.»

Et ça va donner quoi, en somme? Les 120 heures de répétitions lui paraissent bien peu pour un spectacle qui, rodé autour du jeu, en aurait facilement pris 400; mais ça ne change en rien son parti pris: «Si j’avais à définir ma forme théâtrale, ce serait par l’humanité. Ce que j’aime, c’est voir des humains sur la scène, des humains qui s’entredéchirent, qui s’aiment, qui sont passionnés, qui se détestent. Que ce soit toujours vivant: c’est l’acteur que je mets en avant. Et pour ça, on a un esprit de beau morceau…»