Emmanuel Jouthe / When We Were Old : Un et un font trois
Scène

Emmanuel Jouthe / When We Were Old : Un et un font trois

Près de six ans après sa dernière apparition sur scène, Emmanuel Jouthe nous revient avec When We Were Old, un duo très physique qu’il cosigne avec l’Italienne Chiara Frigo.

Emmanuel Jouthe et Chiara Frigo se sont rencontrés dans le cadre d’un projet d’échange international. À l’issue de six semaines de travail en Italie, à Montréal et à Vancouver, ils ont choisi de poursuivre l’aventure. Sans trop savoir jusqu’où ils se rendraient, ils sont partis d’une simple anecdote sur l’évolution d’une ville pour travailler le thème de la construction, de la déconstruction et de la reconstruction, croisé avec celui du nomadisme et de la sédentarité. Ainsi est né When We Were Old, coprésenté par Tangente et l’Agora de la danse.

«Ça se traduit concrètement dans un dialogue corporel assez précis entre Chiara et moi où l’accent est mis sur le toucher et la manipulation du corps de l’autre, explique le chorégraphe de Danse Carpe Diem. L’idée est celle de corps qui se transforment, sans être aucunement dans un propos sur le genre ou un rapport de couple. Les thématiques se transposent aussi à travers le jeu sur la scénographie et la subdivision de la scène en territoires.»

Parsemé d’objets liés à la musique dans Cinq humeurs, sa création précédente, le tapis de danse blanc est occupé ici par divers éléments confrontant nature et culture. Évoluant d’une situation vers une autre, les deux danseurs n’ont d’autre choix que de se laisser porter par le courant et de s’adapter. Ils sont accompagnés par la création sonore éclectique de Laurent Maslé, considérée d’une importance égale à celle des corps dans l’espace.

«Les propositions de Laurent sont venues de l’absorption de ce que nous lui avons montré; nous ne lui avons jamais rien demandé, assure Jouthe. Ça donne un environnement très mouvant, comme le phénomène de la houle, car la musique suit la pièce qui n’est justement pas une proposition avec un ancrage ferme puisqu’on traverse des territoires.» Cette mouvance obligeant à des deuils et des reconstructions successifs, les artistes l’ont aussi expérimentée personnellement au fil du processus de cocréation qui, comme c’est souvent le cas, s’est avéré riche, mais aussi délicat. Car les personnalités et les cultures sont différentes, et les façons de créer aussi.

«Chiara et moi n’avons pas du tout le même type d’écriture, mais nos énergies sont à la fois similaires et complémentaires. En revanche, elle va puiser dans sa poésie intérieure pour aller toucher une image, alors que moi, je vais risquer tout de suite un assemblage, tout de suite voir une image et la laisser me mener ailleurs. On a tangué entre ces deux approches et je pense que nous sommes arrivés à quelque chose qui tend vers nos couleurs respectives sans en être une hybridation. (…) Le pari était d’arriver à un résultat où, individuellement, on se retrouve, dans le but d’être dans un dialogue sincère.»

Pour les deux artistes, le processus est aussi important que l’œuvre qui en résulte. Et on a d’autant plus hâte de la découvrir que Jouthe, qui s’est toujours démarqué par une forte présence scénique, nous dit ne plus être le même et s’être redécouvert à travers l’expérience.