Michèle Anne De Mey / Kiss & Cry : Les amours mortes
Scène

Michèle Anne De Mey / Kiss & Cry : Les amours mortes

Kiss & Cry, ciné-spectacle de nanodanse de la chorégraphe Michèle Anne De Mey et du cinéaste Jaco Van Dormael, crée la magie tout en la dévoilant.

Alors que chaque position des doigts possède une signification dans la danse indienne, les doigts se révèlent davantage de gracieuses extensions de la main et du bras dans la danse classique. Or, chez la chorégraphe belge Michèle Anne De Mey, qui a étudié la danse indienne mais qui ne se réclame pas de cette école, ceux-ci se retrouvent souvent aux origines de la création.

«Quand je danse ou que je chorégraphie, explique-t-elle au bout du fil, il y a beaucoup de mes mouvements qui commencent par les doigts, par les mains et qui ramènent au corps. Je suis très sensible à l’expression des doigts. Quand je suis sur scène, même si je ne danse qu’avec mes doigts, c’est tout mon corps qui danse, mon moi entier.»

La genèse de Kiss & Cry remonte à moins d’une dizaine d’années, dans un chantier avec la compagnie de théâtre belge Transquinquennal, où De Mey souhaitait réunir le cinéma, le théâtre et la danse. Le prologue du spectacle était une danse de doigts sur table filmée par le réalisateur Jaco Van Dormael et projetée simultanément sur grand écran.  

À l’écran, tandis que les doigts de Michèle Anne De Mey et de Grégory Grosjean s’entrelacent tantôt avec langueur, tantôt avec violence, sur scène s’affaire une équipe de tournage. Devant tout l’appareil technique ainsi dévoilé, le spectateur a l’impression de se retrouver à la fois devant un film achevé et son making of. Et pourtant, la magie opère bien qu’on y dévoile tous ses secrets.

«Étant donné que c’est un spectacle et non un film – et on le revendique bien – la magie qui se montre sert à raconter une histoire et à conduire l’œil du spectateur dans cet univers, de pouvoir le laisser savourer, voir la neige qui tombe à travers une passoire et la voir à l’écran, d’entendre la voix off, de voir les doigts se transformer en personnages», explique la chorégraphe.

De Mey poursuit: «On ressent des choses très intimes parce que tout est projeté sur grand écran, mais on peut toujours voir que derrière les doigts, il y a une main, derrière cette main, un être humain, et que derrière tout ce ballet, le mécanisme de ce long plan-séquence, une équipe qui tend à raconter cette histoire. C’est une histoire dans l’histoire, une dramaturgie dans la dramaturgie, une écriture dans une autre écriture. C’est vraiment la richesse de ces différentes magies.»

Porté par un texte de Thomas Gunzig, un large spectre musical allant du baroque à Montand (Les feuilles mortes), Kiss & Cry met en scène une vieille dame se remémorant cinq histoires d’amour. Nostalgique, mélancolique, onirique, non dénué d’humour, le tout n’est pas sans rappeler l’univers de Van Dormael (Toto le héros, Le huitième jour, Mr. Nobody).

«On se demandait ce qu’on pouvait raconter à partir du souvenir; l’histoire est venue vraiment à la fin. Comme on travaillait avec les mains, on s’est dit qu’on ferait cinq histoires. On est qui on est, ce n’est donc pas un hasard si on peut faire des liens entre les films de Jaco et mes spectacles. Je ne dirais pas toutefois que c’est une suite, plutôt des dadas».