Matteo Fargion et Jonathan Burrows / Quatre créations : Chorégraphies à emporter
Scène

Matteo Fargion et Jonathan Burrows / Quatre créations : Chorégraphies à emporter

Jonathan Burrows et Matteo Fargion décloisonnent les genres dans Quatre créations, à l’Usine C. Ni musique, ni danse, mais un langage hybride et haut en couleur. 

L’envie de défricher de nouvelles terres, voilà ce qui a provoqué la collaboration du chorégraphe britannique Jonathan Burrows et du compositeur italien Matteo Fargion. S’entendant comme larrons en foire, ils se sont rencontrés dans une formation interdisciplinaire il y a plus de 20 ans: «J’étais désillusionné par la manière dont les compositeurs travaillent, seuls dans une chambre pendant six mois», raconte Fargion. Quant à Burrows, transfuge du ballet, il «avait peu d’affinités avec les pratiques de danse alors en vogue».

Après leurs premières collaborations où chacun garde son rôle de compositeur et de chorégraphe, Burrows et Fargion décident de partager les responsabilités en 2002: «Depuis, nous composons, chorégraphions et interprétons nos duos, aujourd’hui au nombre de huit», dit Fargion. Pour construire leurs pièces, les deux hommes utilisent le matériel à portée de main et partent toujours d’une idée très simple: «Nous commençons par nous demander ce que nous n’avons pas encore fait. Par exemple, pour Counting to One Hundred, l’idée initiale était de compter jusqu’à 100, sans que cela soit ennuyeux. Puis, nous avons intégré des mouvements entre les comptes», précise Fargion. Sur scène, ils suivent des principes de leur cru: «Nous nous installons de la manière dont le public est installé, explique Burrows. Nous nous comportons de la manière dont les spectateurs se comportent et en fonction de ce que nous ressentons. Si nous avons envie de rire, nous rions. Enfin, il n’y a pas d’erreurs.» En résultent des pièces marquées à la fois d’une grande simplicité et d’un joyeux foisonnement: «Comme nos duos demandent beaucoup de virtuosité, on nous interroge souvent sur leur structure, reconnaît Burrows. Mais ce sont surtout des pièces très ludiques.» «Ce que le public voit dans notre œuvre, c’est une connivence émergeant d’une longue amitié et une logique musicale omniprésente», ajoute Fargion.

Vivant de leur art et fonctionnant sans subventions, Burrows et Fargion ne partagent pas uniquement la création et la scène, mais aussi toutes les tâches administratives: «Nous procédons ainsi non seulement pour des raisons financières, mais également parce que nous aimons le contact avec les gens, explique Fargion. Nous fonctionnons comme un groupe de musiciens, nous partons seuls en tournée, nous arrivons le jour même de la performance et nous nous organisons avec les techniciens sur place.» «Nos créations sont facilement transportables», précise Burrows. «Notre manière de faire pourrait être un modèle pour de jeunes artistes», signale Fargion. Basée sur la complémentarité, l’autosuffisance et l’économie de moyens, la démarche engagée du duo, certes dictée par des impératifs économiques, illustre leur vision du monde. 

Après une longue tournée, les deux comparses s’attelleront à la création d’un nouveau duo en juillet: «En général, nous avons de bonnes idées juste avant nos performances. Au lieu de répéter, nous discutons de notre prochaine création.» Puisse Montréal les inspirer.