Combat : Un combat perdu d'avance
Scène

Combat : Un combat perdu d’avance

C’est une pièce sur le désœuvrement d’une classe ouvrière ravagée par le chômage et sur une famille scindée par une dure vie. Combat, de Gilles Granouillet, dans une mise en scène d’Odette Guimond, était prometteuse sur papier, mais se présente à la scène dans une forme désincarnée, aplatie et artificielle.

Nous sommes dans une ville ouvrière jadis prospère, où ne subsistent aujourd’hui qu’un abattoir et son odeur macabre. Un frère réussit à y faire venir sa demi-sœur pour quelques jours, sous le regard inquiet de sa femme. Elle commettra inopinément un meurtre. C’est l’histoire du sacrifice de ce frère pour éviter la prison à sa demi-sœur: l’histoire d’un homme cherchant le sens de sa vie dans un irrémédiable don de soi.

Va pour ce récit touchant, qui témoigne de la puissance des liens filiaux dans un contexte difficile. Va pour cette langue évocatrice, à mi-chemin entre réalisme et poésie, pétrie d’une texture ouvrière. Sans être un grand texte, cette œuvre de Gilles Granouillet est délicate et aborde son sujet de manière pointilleuse. Mais elle est mal servie par la mise en scène d’Odette Guimond, et surtout par sa direction d’acteurs. Jamais la rugosité de cette langue n’est transmise par l’énonciation chantante et plaquée des comédiens Carl Béchard, Isabelle Leclerc, Dany Carbonneau et Odette Guimond elle-même. Il manque aussi à ce spectacle une texture naturaliste qui camperait plus précisément les lieux et l’atmosphère. À quoi bon faire pendouiller un semblant de carcasse de viande au-dessus des spectateurs si la scène demeure lisse et propre, ne transmettant jamais l’ambiance désœuvrée qui devrait y régner. Jamais ne transpire de l’interprétation de Carl Béchard la grande pugnacité de son personnage.

La musique, interprétée en direct par Yannick Parent, se contente trop souvent de reproduire les sons de l’abattoir, de manière un peu plaquée. Reste que cette trame sonore constitue la plus grande réussite de la production. Dans ses passages les plus inspirés, elle incarne la cité postindustrielle et recrée le grincement d’une ville jadis rythmée par le travail en usine et les sons de la machinerie. Pour donner une certaine fluidité à ce texte qui entremêle trois destinées, la metteure en scène a opté pour une esthétique cinématographique: des fondus au noir et des jeux d’éclairages qui découpent la scène. Elle n’y parvient hélas! que de manière laborieuse. Dommage.