Stephan Thoss / Rêve : Puzzle surréaliste
L’Allemand Stephan Thoss emprunte la voie du Rêve pour s’attaquer aux tourments du créateur dans sa toute nouvelle œuvre créée pour les 32 danseurs des Grands Ballets canadiens de Montréal.
À dix jours à peine de la grande première, c’est un Stephan Thoss visiblement exalté par sa nouvelle création que l’on rencontre dans les locaux des Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM). Profitant de la carte blanche offerte après le succès de la reprise de Searching for home en 2011, le chorégraphe a voulu exalter le mystère de la danse en s’inspirant du surréalisme pour construire un univers éclaté où l’émotion et la sensation, bien plus que la logique, servent de fil conducteur.
«Le monde des rêves permet de poser un nouveau regard sur le monde et donne plus de possibilités de créer des choses folles, des situations hors-normes, affirme-t-il. Il nous rend libres de prendre plus de risques, permet de créer de nouvelles images, de nouvelles structures…» Déjà amateur des puzzles et des ruptures dans le récit, Thoss pousse l’exercice à son maximum dans Rêve où il met en scène une écrivaine tourmentée.
«Elle a écrit beaucoup d’histoires, mais n’a jamais eu le courage de les terminer, trouvant qu’elles étaient trop folles, pas assez bonnes, pas intéressantes… Un homme en noir représentant son ombre, sa conscience, l’accompagne. Il disparaît quand la lumière s’éteint et lui rappelle ses histoires inachevées quand elle dort.»
Thoss a placé ces deux personnages à l’avant-scène devant un écran où sont projetées, de temps à autre, des images en noir et blanc de peintures surréalistes de René Magritte. Derrière, le monde du rêve déploie ses folies et ses absurdités dans des chorégraphies où les actions se multiplient et où chaque danseur incarne un personnage. «Tous viennent demander des comptes à l’auteure et revendiquer leur droit à la fin de leur histoire. Les scènes n’ont ni début ni fin, elles s’interrompent brusquement, comme les rêves.»
Directeur artistique du ballet de l’Opéra de Wiesbaden depuis 2007, Thoss a déjà signé plus de 80 œuvres, s’attaquant à l’adaptation de grands classiques autant qu’à la comédie burlesque et au ballet contemporain. Comme à son habitude, il a conçu les costumes et la scénographie: deux structures amovibles lui permettent de transformer l’espace à loisir pour mieux brouiller encore les cartes de la logique. Il a aussi, comme il le fait régulièrement depuis trois ans, créé la partition musicale de la pièce, reprenant des compositions qu’il a déconstruites et agencées dans des collages où il a parfois superposé jusqu’à 16 couches sonores.
«Je peux démarrer avec le bruit du vent, y ajouter des sons légers et aigus puis des sonorités plus sourdes, plus rythmées, ou partir d’une simple mélodie que je transforme de toutes sortes de façons, explique le créateur reconnu pour la musicalité de sa danse. La physicalité est très variée et j’ai travaillé de façon à ce que la danse révèle les dynamiques de la musique, ce qu’elle évoque et ce qu’on ressent en l’écoutant. Parfois, il est important d’avoir une histoire, mais dans ce cas, ce qui m’importe le plus, c’est que le public apprécie le lien entre la musique et la danse.»