(e) : Confusion des genres
Scène

(e) : Confusion des genres

Embrouillée par une mise en scène trop chargée, (e), de Dany Boudreault, raconte la confusion sexuelle d’un jeune homme en route vers l’acceptation de soi.

À la lecture, la pièce de Dany Boudreault révèle une poésie rythmée, où se chevauchent la langue du quotidien et la scansion travaillée, doublées d’images fortes. Armé de cette langue belle, le personnage de jeune homme divisé entre ses pendants féminin et masculin se répand en trois voix. D’abord celle de Marie-Chose, la «femme en lui», amie d’enfance qui «a le chromosome de la châtaine pure». Puis celle du Roux, l’«homme en lui», sur lequel se posent tous les fantasmes du jeune androgyne. Et finalement la voix finale, celle de ce «quelque chose qui ressemble à lui». C’est la voix de Dany Boudreault, l’acteur et l’auteur, enfin débarrassé de son malaise devant un corps effilé qui ne correspond pas aux normes de la virilité.

C’est un texte chargé qui aborde, par l’entremise d’une déconstruction de la psyché, une prenante quête d’identité sexuelle et qui flirte avec la théorie des genres. La pièce pose d’abord son regard sur les traumatismes d’adolescence du jeune homme et évoque une première expérience sexuelle dans un champ de maïs, qui a toutes les apparences d’un viol. Mais l’intelligence de la partition de Boudreault est aussi d’interroger les modèles masculins prônés par la culture populaire, en orchestrant un dialogue entre une scène caricaturale de violence conjugale issue du téléroman Les machos et un extrait du film Aliens. S’y mêle une admiration sans bornes pour Nana Mouskouri, dont les chansons naïves agissent comme un baume et dont l’appartenance à la culture grecque permet une inscription du drame dans une trame mythologique et dans un réseau de comparaisons avec les amours torturées d’Hermione. Cet aspect de l’écriture est toutefois embryonnaire.

Or, une écriture si foisonnante aurait nécessité une approche scénique plus discrète que la mise en scène très agitée que nous offre l’auteur. Les acteurs, très investis, ont travaillé des compositions très précises pour incarner Marie-Chose et le Roux, négligeant de proposer une composition d’ensemble propre à rappeler qu’ils incarnent aussi les trois dimensions d’une seule et même personne. La mise en espace, très désordonnée, est trop souvent accomplie derrière des pans de tissus dont on cherche l’utilité et la signification symbolique, ce qui rend le spectacle très confus.