FTA: Enrico Casagrande et Daniela Nicolo / Nella Tempesta : Après le printemps
Scène

FTA: Enrico Casagrande et Daniela Nicolo / Nella Tempesta : Après le printemps

Après avoir majestueusement brisé, l’an dernier, les frontières entre la scène et la salle, au cœur d’un printemps montréalais de circonstance, les Italiens Daniela Nicolo et Enrico Casagrande du théâtre Motus explorent le naufrage, la tempête et l’utopie dans Nella Tempesta, en grande première mondiale sur nos terres.

Leur démarche se situe souvent entre théâtre documentaire, métathéâtralité et relecture de classiques, dans ce qu’ils appellent un «théâtre d’investigation». Dans Alexis, una tragedia greca, présentée l’an dernier au FTA devant un public pantois, ils remuaient de grandes questions sur la crise et les mouvements de protestation qui l’ont suivie en Europe. Montréal vivait son printemps étudiant et la scène s’est spontanément remplie de spectateurs galvanisés quand les acteurs ont invité l’auditoire à participer au spectacle. Un moment théâtral puissant et inattendu, qui a donné envie à Daniela Nicolo et Enrico Casagrande de bâtir chez nous leur nouveau spectacle.

Cette fois, pas d’enquête documentaire pointilleuse: ils proposent une sorte d’archéologie de l’utopie dans la ville en s’inspirant des théories de Foucault sur l’hétérotopie et le corps utopique. Non seulement ont-ils travaillé avec quelques acteurs non professionnels de Montréal, mais ils tenteront de créer sur scène un dialogue avec les spectateurs pour identifier dans la ville des lieux que Foucault aurait considérés comme des hétérotopies, c’est-à-dire des lieux parallèles à la vie urbaine ordonnée, des «contre-emplacements», ou des lieux qui, par leur organisation même, «utopisent» la réalité. Tout ça pour se demander où se provoquent aujourd’hui les tempêtes et où pourraient naître de nouveaux modèles de société, hors de la surveillance et du contrôle dans lesquels les sociétés occidentales sont plongées.

«La répression policière que nous avons vue à Montréal l’an dernier pendant les manifestations et que nous constatons aussi en Italie nous préoccupe, dit Enrico Casagrande. Dans notre société où le contrôle est partout, on peut craindre que jamais ne sera remise en question la manière dont le pouvoir politique est exercé. Les moyens utilisés par la police dans les manifestations pacifiques sont absurdes, mais je pense qu’ils sont emblématiques d’un problème plus vaste: la culture politique, déterminée par une structure démocratique désuète, n’est pas efficace pour nos sociétés fragmentées et mondialisées.»

Pour accompagner cette réflexion, la troupe a lu beaucoup de littérature d’anticipation, notamment Philip K. Dick et Aldous Huxley. «Mais, explique Daniela Nicolo, on a trouvé l’inspiration en faisant apparaître sur scène Prospero, héros shakespearien ayant provoqué une tempête pour remuer un monde ancien dont il souhaitait modifier la structure. Notre relecture s’appuie sur la version d’Aimé Césaire, campée en mai 68 et proposant une fertile réflexion sur l’identité et la colonisation, mais elle s’appuie aussi sur une réflexion sur les rapports de domination qui sont à l’œuvre au sein même de notre troupe.»

Qu’est-ce que la tempête aujourd’hui? Le spectacle flirte avec cette question et avec ses infinies réponses, certaines métaphoriques, d’autres plus concrètes, mais toujours rangées du côté de l’indignation et de la quête de changements.

Du 24 au 27 mai

À la Cinquième Salle de la Place des Arts

Dans le cadre du Festival TransAmériques