Carrefour international de théâtre | Éliot Laprise et Karine Ledoyen / Danse de garçons : Comme du bois franc
Avec Danse de garçons, une gang de comédiens, dont Éliot Laprise, troquent les mots maîtrisés contre le corps à retrouver. Sous l’œil aimant de la chorégraphe Karine Ledoyen.
Le comédien et réalisateur (Course Évasion autour du monde 2011) Éliot Laprise se rappelle son premier contact avec la danse, par le travail de l’Israélien Hofesh Shechter: «Ça m’a rentré dedans, parce que c’était un nouveau vocabulaire; tout d’un coup, dans la salle, je pouvais m’imaginer ce que je voulais.»
C’est de cette rencontre qu’a émergé Danse de garçons, en création au Carrefour international: sept gars – des comédiens – qui se frottent au corps, sans recours aux mots dont ils usent d’ordinaire. Pour les encadrer, ils ont fait appel à la chorégraphe Karine Ledoyen: «Les garçons n’ont pas de formation à la base, ils bougent comme ils bougent, comme ils sont. Et mon rôle là-dedans, c’est de protéger, justement, ce qu’ils sont.»
À la base de cette danse, l’identité masculine se veut creusée, c’est évident pour elle, et les idées de frontières, de soumission et de pouvoir seront palpables. Mais surtout, il sera question ici de sincérité. «Dans ce spectacle, reprend le comédien, on fait une confiance infinie à l’intelligence de l’être humain. On est hyper sincères, on le fait sans prétention parce qu’on connaît clairement nos limites. C’est pas notre "médium", c’est pas notre champ de bataille.»
Leurs limites, les sept comédiens ne les cachent d’aucune façon, certes. Là-dessus, Karine Ledoyen se permet toutefois de répondre à son danseur: «Je trouve que c’est un show dans lequel vous êtes tous engagés à 400%. C’est ce qu’on va recevoir: une gang de gars engagés dans le corps, dans le propos, dans la fabrication de l’espace. Et ça, l’engagement, ça ne ment pas.»
Et la voilà qui en rajoute, là où Laprise demeure plus modéré: «C’est ça qui est beau, en fait: le moment où l’engagement est là et où se voit toute la fragilité du corps. Pour moi, c’est quelque chose de fascinant, et que les danseurs ne peuvent pas donner parce qu’ils sont entraînés. Ici, c’est comme un gros bloc de bois brut, magnifique parce que plein d’imperfections; mais en même temps, c’est franc, ça dit ce que ça a à dire.»
«On le fait avec tout notre cœur et toute notre bonne foi», concède Laprise. Devant ce qui sonne comme une retenue trop modeste, la chorégraphe s’échappe toutefois à nouveau, pour le mot de la fin: «Vous allez tellement être beaux!»