Cambriolages / Théâtre des Cascades : Sous l’empire de la peur
Les dérives de l’obsession sécuritaire, mais surtout les péripéties de couples terrassés par un système d’alarme, sont au menu de la pièce Cambriolages, dans une mise en scène de Stéphane Bellavance au Théâtre des Cascades.
J’ai réussi à convaincre mon ami Eddie de m’accompagner à Pointe-des-Cascades avec sa rutilante voiture en sortant l’artillerie lourde de l’argumentaire. Il avait peur que la pièce se contente de jeux de portes et de mauvaises blagues grivoises. «C’est du théâtre léger, lui ai-je dit, mais le thème sous-jacent est explosif: l’obsession de la sécurité et la peur grandissante dans la société post 11-septembre.»
Depuis le sommet du G20, où des manifestants ont fait l’objet d’arrestations arbitraires, l’obsession de la sécurité est un thème qui me hante. Et qui m’assure des conversations houleuses dans les soirées arrosées: il n’y a pas plus volcanique comme sujet de discussion dans un monde où personne ne peut vraiment nier les risques du terrorisme et où personne ne tient non plus à se sentir constamment contrôlé et surveillé pour des bagatelles. En mangeant nos assiettes remplies à craquer ce soir-là (le souper théâtre du Théâtre des Cascades est une formule buffet à volonté), notre conversation n’a pas épuisé le sujet. J’avais très hâte de voir comment le spectacle allait traiter la chose et arriver à en rire.
C’était oublier que le théâtre d’été, même réinventé, ose rarement se priver des péripéties de salon et des histoires de couple. Ce n’est du moins pas le mandat que se sont donnés les coauteurs François Archambault et Marie-Hélène Thibault, qui n’ont pas su éviter la formule comique éculée des scènes estivales.
Au menu: un chassé-croisé d’histoires amoureuses sur fond de cambriolage. Dans le coin droit: Nathalie (Marie-Hélène Thibault) et Stéphane (Olivier Aubin). Elle résiste de tout son long aux peurs de son flanc-mou de mari qui veut équiper leur maison d’un système d’alarme vendu avec une éloquence discutable par Gilles Gendron (Roger Léger). Dans le coin gauche: Kevin (Marc St-Martin) et Mégane (Catherine Ruel). Elle est assoiffée de sensations fortes; il l’entraînera dans un projet de cambriolage. Je vous laisse deviner de quelle manière tout ce beau monde va se rencontrer. Et comment vont se déployer des scènes de plus en plus physiques dans le salon de la maison unifamiliale. Et comment tout cela va finir dans la joie. Même Gilles Gendron trouvera l’amour, dans une finale absolument ridicule que je me garde tout de même de vous dévoiler.
La sauce comique prend-elle? À vrai dire non. Tant qu’à opter pour une intrigue de malentendus amoureux classiques, Archambault et Thibault auraient gagné à écrire des dialogues serrés et rythmés pour permettre aux acteurs de travailler leur fameux «timing comique». Trop verbeuse, la pièce s’enfonce inutilement dans les grands discours d’une Nathalie excédée par les douaniers à l’aéroport ou dans la longue présentation PowerPoint du triste vendeur. S’ils sont porteurs d’un discours critique contre la paranoïa sécuritaire, ces moments brisent le rythme et étranglent la pièce d’un propos social qui, à défaut d’être plus approfondi, sonne un peu faux et paraît plaqué.