Festival Fringe : Une partie d'essais et d'erreurs
Scène

Festival Fringe : Une partie d’essais et d’erreurs

Le Festival Fringe, avec sa direction artistique qui place toutes les productions sur un pied d’égalité, est souvent une imprévisible partie d’essais et d’erreurs. Regard sur quelques spectacles attrapés en début de parcours.

Certains profitent du Fringe pour travailler à des œuvres sérieuses, mais peu aptes à séduire les théâtres à saison. Qu’il en soit ainsi. Mais trop souvent, de jeunes artistes en quête d’un meilleur statut au sein de l’Union des artistes s’y bricolent un spectacle en quelques jours et sans trop d’efforts. C’est ainsi que la pièce Instatweet s’est révélée une désinvolte partie d’improvisation dont le fil conducteur (notre rapport aux réseaux sociaux) s’est complètement perdu en chemin. Même chose dans Histoires étranges qui nous sont arrivées, une pièce en trois temps mettant en scène une étrange famille avide de sexe et de sang. 

Parmi ceux qui débarquent généralement sur une scène du Fringe avec une proposition plus achevée se trouve Véronick Raymond, qui semble toutefois avoir été prise de court cette année et a offert une version labo, plutôt échevelée, de son spectacle Pétrifiée. Premier texte de son cru à être produit par sa compagnie, la pièce explore le chemin du deuil au fil du temps. Formellement soigné, écrit avec le souci d’une rythmique précise, le monologue se complaît un peu dans le larmoiement au détriment de la réflexion sur la peur qu’il promettait.

Belzébrute dans les Années folles

Également habitués du Fringe, les inventifs comédiens du band de théâtre Belzébrute sont fidèles au poste avec une sympathique pièce de théâtre d’objets qui est plus profonde qu’elle n’en a l’air. Mr. P met en scène un Monsieur Patate de taille humaine (carrément une reproduction de la patate-jouet déposée sur la tête du comédien Jocelyn Sioui) et le fait évoluer dans l’effervescent monde du spectacle des années 1920, dans une Amérique prospère qui se vautre dans les joies du divertissement populaire. Petit chanteur de cabaret, Mr. P enfilera successivement de nouveaux costumes pour connaître la gloire jusqu’à Los Angeles, où il sera récupéré par Hollywood. Avec ce scénario tout simple, dans un castelet où s’animent les objets, Belzébrute explore autant l’univers des cabarets des Années folles que celui du cinéma muet, dont la narrativité du spectacle emprunte les codes et les sous-titres sur fond noir. Sans en avoir l’air, au moyen d’un humour espiègle et d’une progression dramatique en crescendo, le spectacle propose un regard sur les excès de la société du spectacle et explore un univers de performance et de compétitivité qui pousse l’humain dans ses derniers retranchements: le pauvre Mr. P n’échappe pas à l’alcoolisme, à l’abus de drogues et à une détresse psychologique qui le transformera graduellement en patate surmédicamentée! Du beau travail, encore une fois.

Militantisme 101

Julianne Léveillé-Trudel avait 12 ans quand ses parents se sont engagés dans une lutte contre Hydro-Québec pour empêcher l’installation d’une centrale hydroélectrique qui n’avait pas fait l’objet d’études d’impact environnemental. Dans La contestation expliquée aux enfants, un monologue campé entre théâtre documentaire et théâtre de confession, elle raconte cette histoire du point de vue de la préadolescente qu’elle était. Son récit, même s’il est joué de manière bien inconstante (la voix de l’enfant et celle de l’adulte s’y confondent sans grande précision), montre que l’histoire se répète: le combat de la Coalition des citoyens du Val-Saint-François ressemble à s’y méprendre à la lutte contre la vente du mont Orford, contre l’installation de ports méthaniers ou l’exploitation du gaz de schiste. Puisant dans les codes de la tradition orale, Julianne Léveillé-Trudel dépeint une galerie de personnages attachants et donne à son histoire une texture toute québécoise, bien ancrée dans le territoire.

Une bête de scène nommée Jon Bennett

Il avait enflammé les spectateurs du Fringe l’an dernier avec Pretending Things Are a Cock et présentera à nouveau ce spectacle au Zoofest dans quelques semaines. L’Australien Jon Bennett, entre stand-up comic et monologue théâtral, réservait un nouveau spectacle aux habitués du Fringe: Fire in the Meth Lab. Anecdotique mais raconté savoureusement, le monologue détaille les tribulations du frère de l’auteur, un badass qui purge une peine de prison pour trafic de drogue. Sous des dehors insolents, Bennett est un cœur tendre et le récit des péripéties de son frère n’est qu’un prétexte à exprimer la douceur de leur relation fraternelle. C’est surtout un conteur hors pair, dont les mots claquent et ne dérivent jamais de leur trajectoire, dans un rythme inapaisable. Même s’il abuse des blagues puériles sur son pénis. 

Le Festival St-Ambroise Fringe se poursuit jusqu’au 23 juin.montrealfringe.ca