Le prénom : Qu'y a-t-il dans un (pré)nom?
Scène

Le prénom : Qu’y a-t-il dans un (pré)nom?

Enguirlander son beau-frère pour un simple prénom? C’est ce que fait Christian Bégin tout l’été au Théâtre Juste pour rire Bromont.

«Qu’y a-t-il dans un nom?», demandait un certain William dans une de ses plus célèbres tragédies. Qu’y a-t-il dans le prénom que des parents donnent à leur bébé?, demandent pour leur part les dramaturges français Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière dans la pièce Le prénom, adaptée pour le Québec par Maryse Warda et mise en scène par Serge Denoncourt. Comment réagiriez-vous si votre beau-frère choisissait d’affubler son marmot à naître d’un prénom souillé à tout jamais par un des plus immondes personnages politiques du vingtième siècle (l’affiche du spectacle donne un bon indice de son identité)? Peut-être tenteriez-vous, comme le personnage d’universitaire qu’incarne Christian Bégin, de le ramener à la raison en lui servant une leçon d’histoire. «Le texte sollicite l’intelligence des gens, se réjouit le comédien, je crois que ça participe de leur plaisir parce qu’ils sentent qu’on ne les prend pas pour des caves. Ce n’est jamais hermétique, c’est très populaire, dans le sens le plus noble du terme.»

La confrontation entre un couple d’intellos qui aiment penser appartenir à la gauche (Bégin et Isabelle Vincent) et celui du frère plutôt friqué de madame (Patrice Robitaille et Catherine-Anne Toupin), confrontation que tentera vainement d’arbitrer un ami vieux garçon (Gabriel Sabourin), franchira donc le point de non-retour de l’aveu qui change le regard que l’on pose sur celui que l’on pensait connaître. Une fois les écoutilles ouvertes, les vannes mesquines fuseront et les révélations-chocs se succéderont, spectaculaire démonstration de l’orage qui gronde parfois derrière l’apparent ciel radieux de l’harmonie familiale. «C’est une soirée qui dérape et qui est l’occasion pour ces personnes-là de se dire des affaires qu’elles ne se sont jamais dites dans une escalade de chicanes et de prises de bec. Bon, présenté comme ça, ça a l’air heavy, mais c’est très, très drôle.»

Adapté au grand écran en 2012 avec Patrick Bruel, Le prénom repose sur l’énergie d’acteurs qui se renvoient nerveusement la balle comme dans un match de tennis du Grand Chelem. Les critiques de la pièce présentée l’an dernier à Montréal rapportaient que des spectateurs avaient spontanément ovationné Isabelle Vincent après un monologue particulièrement cathartique. «C’est arrivé pratiquement tous les soirs, assure son collègue Éternel pigiste. Isabelle se tape une espèce de piano qui explose en crescendo, un vrai morceau d’anthologie. Au-delà du propos libérateur de ce monologue, je pense que les gens prennent la mesure de tout ce que ça demande, faire ce qu’elle fait.»